La forme et l’expérience du balado

Un balado est essentiellement un fichier numérique facilement accessible qui contient du contenu audio et/ou vidéo[1]. Contrairement aux médias de diffusion traditionnels, les balados sont souvent structurés en fonction de leur contenu, ce qui leur confère une grande flexibilité narrative. Ils peuvent prendre la forme d’une narration assurée par un animateur ou un journaliste, d’une conversation entre plusieurs personnes ou encore d’une entrevue en tête-à-tête. Les sons utilisés dans les balados sont variés : la voix de l’animateur, des extraits d’entrevues, de l’audio capté lors d’événements en direct, des passages de films ou de séries télévisées, ou encore des sons d’ambiance provenant du monde environnant. Cette flexibilité favorise des récits immersifs et narratifs, souvent axés sur des échanges intimes[2].

La barrière à l’entrée pour la production de balados est remarquablement basse, ce qui a mené à une diversité de créateurs beaucoup plus grande que dans la radio traditionnelle[3]. Pour enregistrer, les baladodiffuseurs peuvent se servir d’appareils du quotidien, comme les téléphones, à condition que leurs applications permettent d’enregistrer et de partager des fichiers au format MP3. Au-delà de l’enregistrement de base, ils font appel à une variété d’outils numériques. Par exemple, ils peuvent utiliser des applications de messagerie comme WhatsApp pour recueillir des messages audio de leurs sources, ou enregistrer des appels téléphonique, une méthode qui contraste avec l’importance accordée, dans le journalisme radiophonique traditionnel, à la qualité sonore et aux entrevues sur place[4]. Les téléphones ne servent donc pas seulement à écouter des balados, mais aussi à les produire. Bien que cette accessibilité soit précieuse lorsque les sources sont éloignées ou difficiles à atteindre, elle soulève également des enjeux éthiques, notamment en ce qui concerne la possibilité de poser immédiatement des questions de suivi lors des entrevues[5].

Une caractéristique déterminante de l’expérience du balado est le sentiment d’intimité et de proximité qu’il favorise[6]. Cela s’explique en grande partie par des facteurs comme l’usage des écouteurs, qui créent une proximité physique avec le son, la mobilité du média et son intégration dans les routines personnelles[7]. Les balados encouragent particulièrement les relations parasociales, car « le microphone rend audible une gamme vocale qui, historiquement, aurait exigé non seulement la proximité physique, mais aussi un contact intime »[8]. Ils créent ainsi une connexion illusoire avec les personnalités médiatiques, un rôle que remplissait déjà la radio autrefois. Le lien intime souvent instauré par les balados, où la voix de l’animateur parle directement à l’oreille de l’auditeur, plonge ce dernier dans une expérience partagée et rapprochée, même à travers de grandes distances[9].

L’interaction du public façonne également l’expérience du balado. Les baladodiffuseurs imaginent souvent un « auditeur imaginaire », un archétype construit à partir d’idéaux, de données et d’interactions réelles. Cet « auditeur imaginaire » peut prendre différentes formes, notamment :

  • « Je me parle à moi-même » : le baladodiffuseur est la figure centrale de son propre public.
  • L’« auditeur aux valeurs semblables » : un reflet du baladodiffuseur lui-même.
  • L’« auditeur comme ami » : une personne que l’on connaît personnellement ou imaginée comme un ami.
  • L’« auditeur comme individu » : perçu comme une personne unique plutôt qu’un large public.
  • L’« auditeur comme membre d’un club privé » : partageant des blagues internes et des intérêts communs.
  • L’« auditeur comme admirateur » : manifestant admiration et attachement fort envers les animateurs.
  • L’« auditeur comme client critique » : où les baladodiffuseurs se sentent redevables aux commentaires du public.
  • L’« auditeur comme segment de marché » : envisagé sous un angle marketing, défini par des données démographiques et des centres d’intérêt[10].

Toutefois, cette intimité perçue est souvent « inversement parasociale » du point de vue des baladodiffuseurs : elle reflète leur imagination des auditeurs plutôt qu’une véritable communication bidirectionnelle[11]. Les auditeurs, quant à eux, écoutent pour diverses raisons : le voyeurisme, la recherche de compagnie, le divertissement ou la détente, l’apprentissage ou la quête d’information, l’ennui, l’habitude ou encore la commodité[12].

Les balados occupent aussi une place importante dans la vie familiale : 70 % des adultes écoutent des balados pour enfants avec leurs enfants au moins trois fois par semaine. Ces derniers lancent souvent des discussions et rejouent des passages d’épisodes en lien avec ce qu’ils ont appris grâce aux balados[13]. Cependant, les jeunes générations, comme la génération Z, manifestent moins d’intérêt pour les balados journalistiques où une « voix adulte s’adresse directement aux jeunes », une approche qui entre en conflit avec leur désir d’indépendance et leur préférence pour des contenus reflétant les valeurs de leurs pairs[14].


[1] Haygood, D. M. (2007). A status report on podcast advertising. Journal of Advertising Research, 47(4), 518-523.

[2] Maares, P., & Perreault, G. (2025). True Crime Podcasting as Journalistic Heterodoxy: Boundary Practices and Journalistic Epistemology of a Heretic Interloper. Journalism Studies, 26(8), 901-919.

[3] Newman, N., & Gallo, N. (2019). News podcasts and the opportunities for publishers. Digital News Report.

[4] Rae, M., Russell, E., & Nethery, A. (2019). Earwitnessing detention: Carceral secrecy, affecting voices, and political listening in the messenger podcast. International Journal of Communication, 13, 20.

[5] Maares, P., & Perreault, G. (2025). True Crime Podcasting as Journalistic Heterodoxy: Boundary Practices and Journalistic Epistemology of a Heretic Interloper. Journalism Studies, 26(8), 901-919.

[6] Euritt, A. M. (2022). Podcasting's transmedia liveness. In The Routledge Companion to Radio and Podcast Studies (pp. 267-274). Routledge.

[7] Spinelli, M., & Dann, L. (2019). Podcasting: The Audio Media Revolution. London, UK: Bloomsbury Academic.

[8] Peters JD (2004). The voice and modern media. In: Kolesch D and Schrodl J (eds.) Kunst-Stimmen

(pp. 85–100). Berlin: Deutsche Nationalbibliothek.

[9] Sharon, T., & John, N. A. (2024). “It’s between me and myself”: Inverse parasocial relationships in addressing (imagined) podcast listeners. New Media & Society, 14614448241287913.

[10] Sharon, T., & John, N. A. (2024). “It’s between me and myself”: Inverse parasocial relationships in addressing (imagined) podcast listeners. New Media & Society, 14614448241287913.

[11] Sharon, T., & John, N. A. (2024). “It’s between me and myself”: Inverse parasocial relationships in addressing (imagined) podcast listeners. New Media & Society, 14614448241287913.

[12] Chung, M. Y., & Kim, H. S. (2015). College Students' Motivations for Using Podcasts. Journal of Media Literacy Education, 7(3), 13-18.

[13] (2023) Kids podcasts in the age of screens. Kids Listen.

[14] Parsons, S. (2024). Journalism through the eyes of Gen Z: how young audience members wish news was presented (Doctoral dissertation, University of British Columbia).