Les techniques d'apprentissage

« S’ils en ont la possibilité, les jeunes s’intéressent aux questions relatives à l’exploitation et à l’utilisation de leurs renseignements en ligne. Ils veulent savoir quels renseignements personnels sont recueillis et pourquoi. Ils veulent que les entreprises soient plus ouvertes sur la manière dont les données sont utilisées[1]. »

Les chercheurs ont cerné trois réactions générales lorsque les gens prennent conscience de la surveillance et du profilage algorithmique : d’abord, ils ignorent ce qu’ils ont appris et continuent d’utiliser les services comme avant; ensuite, ils limitent certaines actions en ligne par auto-inhibition, comme la recherche, la publication de messages en ligne et les services utilisés; enfin, ils utilisent des techniques visant à améliorer la protection de la vie privée[2].

Il est facile pour les adultes et les jeunes de tomber dans l’une des deux premières catégories de réactions, mais les défenseurs de la protection de la vie privée soulignent qu’il existe des choses que nous pouvons faire pour gérer notre vie privée sans condamner complètement notre expérience en ligne : comme le dit William Budington de l’Electronic Frontier Foundation, « il y a des gestes que vous pouvez poser pour protéger votre vie privée à 85, 90 ou 95 % qui n’ajouteront pas beaucoup d’ennuis dans votre vie[3]. »

Le rôle des parents : espionner ou ne pas espionner?

Les parents sont l’une des ressources les plus importantes pour les jeunes lorsqu’il s’agit d’apprendre à gérer leur vie privée en matière de données sociales et de protection des données. Parallèlement, comme mentionné précédemment, les parents se sentent souvent poussés à utiliser des outils pour surveiller leurs enfants. Comme nous sommes l’un des publics auxquels ils sont le plus susceptibles de cacher des contenus en ligne, cette pression peut être encore plus forte[4].

Toutefois, comme le souligne l’experte en matière de parentalité Devorah Heitner, ce type de surveillance peut se retourner contre nous en nous donnant « un faux sentiment de sécurité. Ce point sur l’application de géolocalisation ne nous en dit pas toujours beaucoup. Les enfants peuvent être à la bibliothèque en train d’étudier avec des amis, ou dans la salle d’étude en train de flâner, ou encore derrière la bibliothèque en train de vapoter. Dans tous ces cas, l’application les montrera à la bibliothèque[5]. » Devorah Heitner souligne également que la surveillance répète des attitudes à l’égard de la vie privée qui sont directement à l’opposé de celles que nous voulons que nos enfants adoptent.

En général, il est donc préférable de ne surveiller directement les enfants en ligne que s’il existe une raison claire et bien présente de le faire, par exemple s’ils ont fait quelque chose qui montre qu’ils ont besoin d’être surveillés de près. Toutefois, même dans ce cas, les parents doivent être ouverts au sujet de la surveillance et indiquer clairement les raisons pour lesquelles ils le font et les conditions dans lesquelles ils l’arrêteront. Le faire « ouvertement tout en communiquant avec nos enfants peut faire partie de l’apprentissage, surtout si nous avons un plan et des critères pour nous abstenir de le faire lorsqu’ils grandissent et que nous constatons qu’ils vont bien[6] ».

Cependant, ne pas surveiller les enfants ne signifie pas pour autant ne pas les superviser. Pour les plus jeunes enfants, il peut s’agir simplement de s’assurer que tous les appareils connectés sont utilisés dans les parties communes de la maison et de leur demander de temps en temps si tout va bien. Chez les préadolescents, la création de comptes partagés sur les réseaux sociaux peut être une forme de « pratique » qui leur permet également d’utiliser leur âge réel lorsqu’ils créent leur propre compte à 13 ans ou plus (de nombreux réseaux sociaux disposent désormais de protections spéciales et de paramètres par défaut plus sûrs pour les utilisateurs âgés de 13 à 18 ans). À tous les âges, il est essentiel d’avoir une conversation continue sur leur vie médiatique, de communiquer clairement vos valeurs et vos attentes en imposant des règles à la maison, et d’adopter le type de comportements que vous souhaitez voir[7],[8].

Enseigner les bonnes aptitudes et habitudes en matière de protection de la vie privée

Ce que nous devons enseigner aux enfants en matière de protection de la vie privée et ce qu’ils sont prêts à apprendre évoluent au fur et à mesure qu’ils grandissent.

  • Enfants âgés de 5 à 7 ans : À cet âge, les enfants utilisent déjà des services qui recueillent et partagent leurs renseignements. Leur perception des risques liés à la technologie se résume principalement à des menaces physiques en lien avec leurs appareils. Les parents d’enfants de cette tranche d’âge doivent assumer la majeure partie de la responsabilité de la protection de la vie privée de leurs enfants en choisissant des applications qui respectent la vie privée et en limitant la collecte de données (voir plus de détails sur la façon de procéder ci-dessous), mais nous pouvons toujours apprendre aux enfants à nous demander de l’aide s’ils rencontrent des problèmes, y compris des problèmes en matière de vie privée[9].
  • Enfants âgés de 8 à 11 ans : Les enfants de cet âge « ont du mal à comprendre les risques liés à la protection de la vie privée en ligne, en particulier ceux associés à la collecte et à l’utilisation implicites de renseignements personnels, par le biais de mécanismes comme le suivi des données ou les recommandations intégrées aux applications[10]». S’ils considèrent que les intrusions dans la vie privée, comme les jouets connectés à Internet, sont « étranges » ou inquiétantes, ils sont susceptibles de ne pas s’en préoccuper si l’objet a un aspect mignon ou non menaçant[11]. Des règles claires et simples sur ce qu’ils peuvent et ne doivent pas partager, et à quel moment vous demander de l’aide, sont généralement efficaces[12]. Vers la fin de cette période, les enfants peuvent commencer à comprendre que la protection de la vie privée est contextuelle : les contenus qui peuvent être appropriés pour certains publics ne le sont pas pour d’autres[13].

À cet âge, les enfants sont plus susceptibles de considérer que la protection de la vie privée consiste à ne pas laisser des « étrangers » voir leur contenu, plutôt qu’à contrôler le public ou à limiter la collecte de renseignements. Cependant, ils peuvent acquérir des habitudes et des pratiques positives en matière de protection de la vie privée grâce à des expériences d’apprentissage interactives et encadrées[14].

  • Enfants âgés de 12 à 17 ans : Les jeunes de cet âge sont conscients des risques liés à la protection de la vie privée, mais se concentrent encore sur les risques interpersonnels puisqu’ils considèrent le monde en ligne comme un espace de socialisation et d’expression[15]. Ils prennent rarement en compte l’utilisation commerciale de leurs données (par exemple, seulement la moitié des adolescents britanniques âgés de 12 à 15 ans savent que YouTube et Google sont financés par les entreprises qui y font de la publicité[16]), et lorsqu’ils le font, ils ne sont généralement pas conscients de la manière dont leurs données peuvent circuler entre les plateformes en ligne[17].

Il est toutefois important de ne pas leur imposer notre façon de concevoir la protection de la vie privée. Les recherches sur les pratiques des jeunes en matière de protection de la vie privée ont révélé, par exemple, qu’ils sont plus susceptibles de se concentrer sur la gestion d’un problème en la matière une fois qu’il s’est produit plutôt que d’essayer de le prévenir à l’avance, « entraînant des comportements de préservation de la vie privée (p. ex. recherche de conseils) et des comportements correctifs de gestion des risques (p. ex. suppression de contenu, blocage d’un autre utilisateur, désactivation de leur compte)[18] ».

Par conséquent, en cas de problème, notre réaction ne doit pas être de supposer qu’ils ne se soucient pas de la vie privée ou de les critiquer pour les choix qui ont pu y mener, mais plutôt de leur demander quelles sont les solutions et ce que vous pouvez faire pour éviter que le problème se reproduise[19].

Parallèlement, nous devons reconnaître que l’approche rétroactive des jeunes à l’égard des questions de protection de la vie privée ne fonctionne pas bien lorsque vient le temps de traiter des questions de confidentialité des données. Bien qu’ils soient généralement moins conscients de la confidentialité des données que de la confidentialité sociale, les jeunes « se tournent vers des adultes de confiance pour détecter des technologies inquiétantes ou peu dignes de confiance[20] ». Nous ne devrions pas non plus supposer que la confidentialité des données n’est un problème que lorsqu’ils atteignent l’âge de la préadolescence ou de l’adolescence : en fait, de nombreuses études ont montré que les jeunes doivent composer avec une collecte intensive de données dès qu’ils commencent à utiliser des appareils numériques[21],[22],[23].

Éducation aux médias et vie privée

L’éducation aux médias « joue un rôle important dans la manière dont les enfants comprennent, gèrent et protègent leur vie privée[24] ». Les parents, les enseignants et les autres adultes de confiance peuvent aider les enfants à gérer leur vie sociale et la confidentialité de leurs renseignements en les aidant à développer les compétences de base de HabiloMédias en matière d’éducation aux médias numériques, c’est-à-dire être capable d’utiliser et de comprendre les médias et d’interagir (s’engager) avec eux. Il peut s’agir de l’acquisition d’un nouvel appareil, de l’utilisation d’une nouvelle application ou d’un nouveau compte sur un réseau social, ou encore d’une anecdote ou d’un article sur la protection de la vie privée[25].

Utiliser : Les parents et les jeunes peuvent prendre bon nombre de mesures pratiques pour gérer la confidentialité de leur vie sociale et de leurs renseignements personnels.

  • Dès que possible, donnez l’exemple de bons comportements en matière de protection de la vie privée en demandant la permission à vos enfants avant de publier quoi que ce soit à leur sujet[26]. Dites-leur quels sont les publics susceptibles de voir ce que vous publiez et expliquez-leur ce que vous ferez pour limiter les autres personnes susceptibles de voir ce que vous publiez.
  • Installez des modules d’extension qui protègent votre vie privée comme Privacy Badger sur les ordinateurs portatifs et de bureau et les applications comme DuckDuckGo ou Do Not Track Kids sur les appareils mobiles.
  • Examinez les données que les différentes applications recueillent sur les appareils mobiles et apprenez aux enfants à le faire eux-mêmes.
  • Apprenez aux jeunes à vérifier et à personnaliser les paramètres de confidentialité. Les recherches de HabiloMédias ont révélé que la moitié des enfants canadiens ont appris à le faire auprès de leurs parents[27]. Ces paramètres sont principalement utilisés pour contrôler la confidentialité sociale, mais offrent de plus en plus d’options pour limiter la collecte de données également (ou l’utilisation des données des utilisateurs notamment pour la publicité ciblée), bien que ces outils soient souvent accessibles à des endroits différents des paramètres de confidentialité habituels.
    • Assurez-vous que les jeunes savent que la plupart des réseaux sociaux permettent de personnaliser les niveaux de confidentialité pour les messages individuels, ainsi que des paramètres généraux.
    • Veillez à revoir régulièrement les paramètres par défaut, qui peuvent changer sans préavis, et surveillez les communications de la plateforme concernant les modifications qui y sont apportées[28].
  • Apprenez aux enfants à ne pas se connecter à des applications ou à des sites Web à l’aide de leurs identifiants de réseaux sociaux. Vous pouvez également leur montrer comment créer des adresses électroniques sécurisées et temporaires à l’aide de Protonmail ou de Sharklasers s’ils souhaitent s’inscrire sur des sites Web sans donner leur adresse électronique habituelle.
  • Apprenez ensemble à limiter l’accès des applications à l’appareil photo, au micro et à la localisation de l’appareil.
  • Apprenez à parcourir les politiques de confidentialité pour en extraire les informations les plus importantes, et apprenez aux enfants plus âgés à faire de même. Pour trouver les informations les plus importantes, recherchez des titres de section comme les suivants :
    • « Renseignements personnels que nous recueillons » ou « Comment nous recueillons vos renseignements personnels »;
    • « Géolocalisation » ou « géociblage » : si une application veut accéder à votre position pour des raisons qui vous paraissent insensées, vous devrez peut-être désactiver le GPS de votre appareil;
    • « Comment nous utilisons vos renseignements personnels » : recherchez les expressions vagues comme « activités commerciales » ou « fins commerciales »;
    • « Personnaliser », « Améliorer », « Améliorer vos services » ou « Publicité fondée sur vos intérêts » : si la politique renferme des termes de ce type, vérifiez si vous pouvez désactiver le tri algorithmique (p. ex. en passant du flux « Pour toi » à celui d’« Abonné ») et la publicité ciblée;
    • « Vos droits » ou « Vos choix » : cette section indique généralement les options qui s’offrent à vous en vertu de la législation en vigueur dans votre pays de résidence[29];
    • vous pouvez également consulter le site Web Terms of Service – Didn’t Read, qui évalue et passe en revue les politiques de confidentialité de différents sites Web et applications. Le site Common Sense Media évalue également les pratiques des applications en matière de protection de la vie privée et Mozilla propose des évaluations de la protection de la vie privée des applications de santé mentale, des jouets, des jeux et des appareils de divertissement comme les liseuses numériques et les appareils intelligents.
  • Si vos enfants utilisent des appareils dotés d’un système d’exploitation iOS comme les appareils iPhone et iPad, apprenez-leur à refuser la collecte de données lors de l’installation de nouvelles applications. S’ils utilisent des appareils Android, installez l’application DuckDuckGo et activez la protection contre le suivi des applications.
  • Apprenez aux enfants à n’accepter que le niveau minimum requis de collecte de données sur les sites Web, d’abord en ne cliquant jamais sur « Accepter tout ».
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Une capture d'écran d'un site web montrant la deuxième couche des options de cookies. Les options sont "Autoriser tous", "Rejeter tous" et "Confirmer mes choix".

Recherchez ensuite des phrases comme « Rejeter tout » ou « Seulement les témoins nécessaires ».

Comprendre : Les concepts clés de l’éducation aux médias numériques et aux médias énumérés ci‑dessous sont utiles pour encadrer les discussions sur la représentation médiatique et la protection de la vie privée. Pour chacun d’entre eux, une série de questions a été fournie afin d’encourager les jeunes à protéger leurs renseignements personnels en ligne tout en protégeant également leur vie privée.

Les médias sont des constructions qui représentent la réalité. Posez les questions suivantes.

  • Qui a créé les applications, les plateformes et les outils que vous utilisez?
  • Comment la publicité ciblée et les algorithmes de recommandation affectent-ils le contenu que vous voyez en ligne?
  • Que pourrait révéler à votre sujet votre profil de données (toutes les données qui ont été recueillies à votre sujet)? Croyez-vous qu’il s’agit d’une image exacte? Existe-t-il des données qui pourraient donner une image inexacte de vous?

Les médias ont des implications sociales et politiques. Posez les questions suivantes.

  • Existe-t-il d’importantes idées fausses sur la protection de la vie privée en matière de confidentialité sociale ou des données? Quelles sont-elles?
  • Comment les créateurs d’applications et de sites Web envisagent-ils la protection de la vie privée? Est-ce différent de ce que vous en pensez?
  • Avez-vous vu des problèmes de protection de la vie privée représentés dans les actualités ou les médias de divertissement? Quelles impressions en avez-vous retirées en ce qui concerne la protection de la vie privée ou des données? Quelles leçons en avez-vous tirées?

Les médias ont des implications commerciales. Posez les questions suivantes.

  • De quelle façon les applications et les sites Web que vous utilisez font-ils de l’argent? Comment la collecte de données et la publicité ciblée en font-elles partie?
  • Certains des sites Web et applications que vous utilisez appartiennent-ils à des entreprises plus importantes (p. ex. Meta possède à la fois Instagram et Facebook, et Alphabet possède Google et YouTube)? Comment les renseignements vous concernant qui sont partagés entre eux (et qui peuvent ne pas être considérés comme un « partage de données » dans la politique de confidentialité) peuvent-ils influencer votre expérience de ces applications ou sites?
  • Les entreprises font-elles en sorte que leurs conditions générales d’utilisation soient facilement compréhensibles? Pourquoi ou pourquoi pas?
  • Serait-il préjudiciable que les utilisateurs en ligne ne soient pas en mesure de donner leur consentement éclairé à la collecte de leurs renseignements personnels? Pourquoi ou pourquoi pas?
  • Ce que vous voyez en ligne, par le biais des publicités, influence-t-il vos décisions financières et vos achats?
  • Quelles applications et plateformes respectent les pratiques exemplaires en matière de protection de la vie privée des jeunes? Pensez à celles qui recueillent un minimum de données, comme Kolibri, ou utilisent le consentement parental vérifiable avant de recueillir des données, comme les produits numériques de Lego[30].

Le public décode ou interprète le sens d’un message. Posez les questions suivantes.

  • Dans quelle mesure un contenu que vous partagez en ligne pourrait-il être interprété différemment par différentes personnes? Cette interprétation pourrait‑elle avoir des impacts négatifs (p. ex. certains signes pourraient indiquer à vos amis qu’un message était une blague ou du sarcasme, mais échapper à d’autres personnes)?
    • Devorah Heitner recommande de demander aux enfants s’ils seraient prêts à porter en public un t-shirt portant un message qu’ils ont publié : « S’ils se sentent à l’aise de le faire, ils pourraient se sentir à l’aise de le publier dans les médias sociaux[31]. »
  • À votre avis, comment les adultes de votre entourage perçoivent-ils la protection de la vie privée? Est-ce différent de ce que vous en pensez?

Chaque média a une forme artistique unique. Posez les questions suivantes.

  • Quels messages les applications et les sites Web communiquent-ils sur la protection de la vie privée par leur aspect et leur convivialité? Lesquels semblent plus désinvoltes et lesquels semblent plus sérieux?
  • De quelle façon les politiques de protection de la vie privée sont-elles rédigées? Quels sont les éléments les plus importants à rechercher? (Voir les conseils dans la section « Utiliser » ci-dessus)

Les médias numériques sont en réseau. Posez les questions suivantes.

  • Comment les applications, les sites Web et les outils que vous utilisez sont-ils connectés?
  • Comment les contenus que vous partagez, intentionnellement ou non, peuvent‑ils être diffusés par le biais de ces réseaux connectés?
  • Pensez à une expérience en ligne où vous n’avez pas l’impression de partager des données (p. ex. service de diffusion en continu comme Crave ou Netflix). Quelles informations partagez-vous réellement?

Les médias numériques sont continus et partageables. Posez les questions suivantes.

  • De quelle façon le contenu que vous partagez peut-il rester en ligne plus longtemps que vous ne le souhaitez?
  • De quelle façon pouvez-vous limiter le nombre de personnes susceptibles de partager votre contenu?
  • De quelle façon pouvez-vous supprimer votre contenu en ligne (p. ex. en demandant à quelqu’un qui a partagé une photo de vous de la supprimer en ligne)?

Les médias ont des publics imprévus. Posez les questions suivantes.

  • Quel était le public visé par le contenu que vous avez publié? Comment le public visé a-t-il influencé la manière dont le contenu a été créé (p. ex. en quoi une photo que vous publiez pour vos amis serait-elle différente d’une photo destinée à vos parents ou à un partenaire romantique)?
  • Dans quelle mesure l’utilisation de la stéganographie sociale (c’est-à-dire faire passer un message par le biais de blagues, de mèmes, de paroles de chansons, etc., que seules certaines personnes comprendront) peut-elle se retourner contre vous si elle est vue par le mauvais public?
  • Quelles informations pouvez-vous partager sans le savoir lorsque vous utilisez des applications, des sites Web ou des outils? Avec quels « tiers » peuvent-elles être partagées?
  • Qu’est-ce que les courtiers en données (qui recueillent des informations à partir de nombreuses sources pour établir votre profil) savent, ou pensent savoir, à votre sujet?

Notre expérience des médias numériques est façonnée par les outils dont nous nous servons. Posez les questions suivantes.

  • Quelles sont les différentes possibilités offertes par les différents outils et applications, c’est-à-dire que vous permettent-ils de faire (p. ex. une limite quant au nombre de photos que vous pouvez publier sur votre compte en une fois)?
  • Quels sont les paramètres par défaut des applications ou des outils, c’est-à-dire les actions que l’outil vous permet de faire sans que vous ayez à les choisir spécifiquement (p. ex. les photos s’autodétruisent par défaut sur Snapchat, mais sur Instagram, vous devez choisir cette option)?
  • Dans quelle mesure les possibilités et les paramètres par défaut influencent-ils la quantité de données que vous partagez avec d’autres utilisateurs et la plateforme? Quelles actions sont faciles à faire et lesquelles sont plus difficiles ou nécessitent plus d’étapes?
  • La conception trompeuse (ou « tactiques trompeuses ») est-elle utilisée pour vous inciter à partager plus d’informations que vous ne le feriez autrement avec d’autres utilisateurs, ou à partager plus de données avec la plateforme?

Les interactions sur les médias numériques peuvent avoir une réelle incidence. Posez les questions suivantes.

  • Dans quelle mesure le contenu que vous partagez en ligne peut-il affecter d’autres personnes?
    • Comment pouvez-vous limiter ou contrôler l’effet du partage en ligne sur les autres (p. ex. en demandant l’autorisation avant de partager des photos ou des vidéos d’eux)?
  • Dans quelle mesure les données recueillies par les entreprises peuvent-elles vous affecter aujourd’hui ou à l’avenir?
  • Que pouvez-vous faire pour exiger de meilleures pratiques en matière de protection de la vie privée?

S’engager : L’utilisation et la compréhension des médias s’avèrent utiles pour aborder les enjeux de protection de la vie privée, mais elles présentent des limites. Comme l’a dit Sonia Livingstone : « Nous ne pouvons pas enseigner ce qui ne s’apprend pas, et les gens ne peuvent pas s’instruire à partir de ce qui est illisible[32]. » Par conséquent, les parents et les jeunes doivent également utiliser les outils médiatiques pour inciter les entreprises et les gouvernements à adopter des pratiques exemplaires en matière de traitement des renseignements personnels et de protection de la vie privée des jeunes.

  • Concevoir des applications et des plateformes, y compris des fonctions liées à la confidentialité sociale et des données, en pensant aux jeunes et en ayant pour objectif de respecter et de protéger leur vie privée[33], et faire en sorte que les équipes responsables de la protection de la vie privée et de la sécurité collaborent avec les concepteurs dès le début du processus de conception[34].
  • Concevoir des applications et des plateformes pour les adolescents qui « les encouragent à réfléchir à leur propre comportement et à s’auto-réguler » plutôt que d’encourager la surveillance et le contrôle parentaux[35].
  • Concevoir des applications et des plateformes qui informent de manière proactive les utilisateurs quant à leurs pratiques en matière de collecte de données et qui les encouragent à choisir des préférences qui leur conviennent[36].
  • Rendre les politiques de confidentialité plus courtes[37], plus simples, plus accessibles et plus transparentes, offrir aux utilisateurs la possibilité d’accepter ou de refuser certaines fonctions de collecte de données, et confirmer qu’ils comprennent la politique de confidentialité avant de recueillir des informations[38].
  • Ne pas suivre les jeunes utilisateurs par le biais des applications et des plateformes, et créer les identifiants nécessaires pour suivre le fonctionnement et l’utilisation qui ne peuvent pas être liés à leurs identités[39].
  • Rendre le processus de refus plus simple et plus clair, et ne pas utiliser des « tactiques trompeuses » ou d’autres éléments de conception qui incitent les utilisateurs à fournir plus de données qu’ils n’en ont l’intention[40].
  • Informer les jeunes de leur droit à la vie privée et leur donner des conseils sur la manière de protéger et de gérer leurs renseignements personnels[41].
  • Permettre aux jeunes d’accéder facilement aux données recueillies à leur sujet et leur donner des outils simples pour les supprimer ou les corriger[42].
  • Tenir compte des impacts potentiels des technologies sur les groupes marginalisés et défavorisés, y compris les jeunes, dès la conception, et en s’appuyant sur leurs observations. Comme l’a dit Virginia Eubanks, auteure de l’ouvrage Automating Inequality : « Nous n’avons pas besoin de projeter les préjudices potentiels dans un avenir abstrait. Nous pouvons demander aux gens ce qu’ils ont vécu la semaine dernière. Nous devons concevoir des outils explicitement politiques pour composer avec les systèmes explicitement politiques dans lesquels ils opèrent. Nous devons intégrer nos valeurs à nos pratiques de conception et être clairs à leur sujet[43]. »

Si ces stratégies et techniques fonctionnent à l’échelle individuelle, il existe également un certain nombre de stratégies conçues pour protéger la vie privée à l’échelle provinciale, territoriale, fédérale et internationale. La section suivante présente quelques‑uns des principaux textes législatifs au Canada, aux États-Unis et à l’échelle internationale en matière de protection de la vie privée.


[1] Dowthwaite, L., Creswick, H., Portillo, V., Zhao, J., Patel, M., Vallejos, E.P., Jirotka, M., et d’autres (juin 2020). « "It’s your private information. it’s your life." young people’s views of personal data use by online technologies ». Dans Proceedings of the interaction design and children conference (p. 121-134). [traduction]

[2] Kappeler, K., Festic, N., et Latzer, M. (2023). « Dataveillance imaginaries and their role in chilling effects online ». International Journal of Human-Computer Studies, 179, 103120.

[3] Cité dans Cushing, E. (2023). The Atlantic’s guide to privacy. Consulté à l’adresse https://www.theatlantic.com/technology/archive/2023/09/managing-digital-privacy-personal-information-online/675184/. [traduction]

[4] HabiloMédias (2022). Jeunes Canadiens dans un monde branché, phase IV : La vie privée en ligne et le consentement. Ottawa : HabiloMédias.

[5] Heitner, D. (2023). Growing Up in Public. Penguin Publishing Group [traduction]

[6] Ibidem. [traduction]

[7] HabiloMédias (2022). Jeunes Canadiens dans un monde branché, phase IV : La vie privée en ligne et le consentement. Ottawa : HabiloMédias.

[8] Brisson-Boivin, K. (2018). Le bien-être numérique des familles canadiennes. Ottawa : HabiloMédias.

[9] Livingstone, S., Stoilova, M., et Nandagiri, R. (2019). Children’s data and privacy online: growing up in a digital age: an evidence review.

[10] Dally, C., et autres (2019). « ‘I make up a silly name’: Understanding Children’s Perception of Privacy Risks Online ». Comptes rendus de la 2019 CHI Conference on Human Factors in Computing Systems, 4 au 9 mai 2019, Glasgow, Écosse (Royaume-Uni). Association for Computing Machinery, New York, New York, États-Unis, 13 pages. [traduction]

[11] Yip, J.C., Sobel, K., Gao, X., Hishikawa, A.M., Lim, A., Meng, L., Hiniker, A., et autres (mai 2019). « Laughing is scary, but farting is cute: A conceptual model of children’s perspectives of creepy technologies ». Dans les comptes rendus de la 2019 CHI Conference on Human Factors in Computing Systems (p. 1-15).

[12] Livingstone, S., Stoilova, M., et Nandagiri, R. (2019). Children’s data and privacy online: growing up in a digital age: an evidence review.

[13] Nissenbaum, H. (2020). Privacy in context: Technology, policy, and the integrity of social life. Stanford University Press.

[14] Livingstone, S., Stoilova, M., et Nandagiri, R. (2019). Children’s data and privacy online: growing up in a digital age: an evidence review.

[15] Ibidem.

[16] Polizzi, G. (2021). « Comparing children’s understanding of data and online privacy with experts and advocates’ digital literacy practices ». Information Literacy Group. Consulté à l’adresse https://infolit.org.uk/guest-blog-post-digital-and-data-literacy-comparing-childrens-understanding-of-data-and-online-privacy-with-experts-and-advocates-data-literacy-practices/.

[17] Livingstone, S., Nandagiri, R., et Stoilova, M. (2018). Children’s data and privacy online: Growing up in the digital age. LSE Media and Communications. En ligne.

[18] Wisniewski, P.J., Vitak, J., et Hartikainen, H. (2022). « Privacy in adolescence ». Dans Modern socio-technical perspectives on privacy (p. 315-336). Cham : Springer International Publishing. [traduction]

[19] Ibidem.

[20] Yip, J.C., Sobel, K., Gao, X., Hishikawa, A.M., Lim, A., Meng, L., Hiniker, A., et autres (mai 2019). « Laughing is scary, but farting is cute: A conceptual model of children’s perspectives of creepy technologies ». Dans les comptes rendus de la 2019 CHI Conference on Human Factors in Computing Systems (p. 1-15). [traduction]

[21] Zhao, F., Egelman, S., Weeks, H.M., Kaciroti, N., Miller, A.L., et Radesky, J.S. (2020). « Data collection practices of mobile applications played by preschool-aged children ». JAMA pediatrics, 174(12), e203345-e203345.

[22] Moody, R. (2023). « Nearly 1 in 4 children’s Google Play Apps breach the ICO’s age-appropriate design code ». Comparitech. Consulté à l’adresse https://www.comparitech.com/blog/vpn-privacy/app-ico-study/.

[23] Foweler, G. (2023). « Your kids’ apps are spying on them ». The Washington Post.

[24] Livingstone, S., Stoilova, M., et Nandagiri, R. (2019). Children’s data and privacy online: growing up in a digital age: an evidence review. [traduction]

[25] Livingstone, S., Nandagiri, R., et Stoilova, M. (2020). « Digital by Default: Children’s Capacity to Understand and Manage Online Data and Privacy ». Media and Communication, 8:4, p. 197-207.

[26] Reich, S.M., Starks, A., Santer, N., et Manago, A. (2021). « Brief report–modeling media use: how parents’ and other adults’ posting behaviors relate to young adolescents’ posting behaviors ». Frontiers in Human Dynamics, 3, 595924.

[27] HabiloMédias (2022). Jeunes Canadiens dans un monde branché, phase IV : La vie privée en ligne et le consentement. Ottawa : HabiloMédias.

[28] Doffman, Z. (2021). « Has WhatsApp Secretly Changed Yours Privacy Settings? » Forbes. Consulté à l’adresse https://www.forbes.com/sites/zakdoffman/2021/05/19/apple-iphone-and-google-android-users-do-you-need-to-change-your-whatsapp-settings/?sh=286fa24339a0.

[29] Keegan, J., et Woo, J. (2023). « How to Quickly Get to the Important Truth Inside Any Privacy Policy ». The Markup. Consulté à l’adresse https://themarkup.org/the-breakdown/2023/08/03/how-to-quickly-get-to-the-important-truth-inside-any-privacy-policy.

[30] Institute of Electrical and Electronics Engineers (2022). « Applied case studies for designing trustworthy digital experiences for children ». Consulté à l’adresse https://standards.ieee.org/initiatives/autonomous-intelligence-systems/report-2/.

[31] Heitner, D. (2023). « Growing Up in Public ». Penguin Publishing Group. [traduction]

[32] Livingstone, S. (2018). « Media literacy: what are the challenges and how can we move towards a solution? » Blogue de LSE. Consulté à l’adresse https://blogs.lse.ac.uk/medialse/2018/10/25/media-literacy-what-are-the-challenges-and-how-can-we-move-towards-a-solution/. [traduction]

[33] Kidron, B., Evans, A., Afia, J., Adler, J. R., Bowden-Jones, H., Hackett, L., Scot, Y., et autres (2018). « Disrupted childhood: The cost of persuasive design ».

[34] Citron, D. (2022). The Fight for privacy. W.W. Norton.

[35] Wisniewski, P.J., Vitak, J., et Hartikainen, H. (2022). « Privacy in adolescence ». Dans Modern socio-technical perspectives on privacy (p. 315-336). Cham : Springer International Publishing. [traduction]

[36] Seymour, W., Van Kleek, M., Binns, R., et Shadbolt, N. (2019). Aretha: A respectful voice assistant for the smart home.

[37] Meier, Y., Schäwel, J., et Krämer, N.C. (2020). « The shorter the better? Effects of privacy policy length on online privacy decision-making ». Media and Communication, 8(2), 291-301.

[38] McAleese, S. (2020). Les jeunes Canadiens s’expriment : Une recherche qualitative sur la protection de la vie privée et le consentement. Ottawa : HabiloMédias.

[39] Zhao, F., Egelman, S., Weeks, H.M., Kaciroti, N., Miller, A.L., et Radesky, J.S. (2020). « Data Collection Practices of Mobile Applications Played by Preschool-Aged Children ». JAMA pediatrics, 174(12), e203345-e203345.

[40] Council, N.C. (2018). Deceived by design – How tech companies use dark patterns to discourage us from exercising our rights to privacy. Norwegian Consumer Council Report.

[41] Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée/Ontario (2023). « La Charte de la protection de la vie privée numérique pour les écoles ontariennes ». Consulté à l’adresse https://www.cipvp.ca/protection-de-la-vie-privee-organismes/la-charte-de-la-protection-de-la-vie-privee-numerique-pour-les-ecoles-ontariennes/.

[42] Commissariat à la protection de la vie privée du Canada (sans date). « Comment les organisations peuvent aider à protéger les jeunes en ligne ». Consulté à l’adresse https://www.priv.gc.ca/fr/a-propos-du-commissariat/ce-que-nous-faisons/collaboration-avec-les-provinces-et-les-territoires/resolutions-conjointes-avec-les-provinces-et-territoires/res_231005_01_jeunes/.

[43] Eubanks, V. (2020). Cité dans « Public Thinker: Virginia Eubanks on Digital Surveillance and People Power ». Public Books. Consulté à l’adresse https://www.publicbooks.org/public-thinker-virginia-eubanks-on-digital-surveillance-and-people-power/. [traduction]