Internet, la surveillance et la vie privée

La confidentialité des renseignements comporte d'importantes considérations politiques et sociales.

Aujourd'hui, la grande majorité des ménages canadiens ont accès à Internet. [1] Les technologies ayant évolué, elles permettent aux sociétés commerciales, aux autorités chargées de l'application de la loi et à d'autres entités de recueillir des données et de contrôler les activités en ligne. Les reportages médiatiques sur les violations de la vie privée sont de plus en plus fréquents :

  • Le Centre antifraude du Canada signale que plus de 17 000 Canadiens ont été victimes de fraude d'identité en 2011, le total des pertes s'élevant à plus de 13 millions de dollars.
  • Cherchant des éléments de preuve à propos d'une plainte de harcèlement sexuel, un expert technique et de la sécurité informatique de la police de Calgary a accédé illégalement au courrier électronique personnel d'un employé civil. [2]
  • Les données personnelles de plus de 12 000 employés actuels et anciens de l'Université de Victoria ont été compromises lors du vol d'une clé USB non protégée contenant leur nom complet, leur numéro d'assurance sociale et l'information financière. [3]

De tels exemples soulignent la nécessité de se préoccuper du respect de la vie privée. Toutefois, la valeur même de la vie privée dépasse les simples inquiétudes concernant l'atteinte à la vie privée ou le vol d'identité. La vie privée tient compte de la liberté d'expression, des convictions et des activités. Ainsi, la vie privée fournit la base de l'ensemble de nos libertés et droits fondamentaux. [4]

En effet, il ne s'agit pas simplement d'une valeur ou d'une responsabilité : la vie privée est un droit humain fondamental. Elle est essentielle au développement et au maintien de la dignité, de l'autonomie, des droits civils, de la participation démocratique et de la liberté. [5]

Le droit à la vie privée s'applique non seulement aux adultes, mais également aux enfants et aux jeunes. L'article 16 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant stipule ce qui suit :

  1. Nul enfant ne fera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes illégales à son honneur et à sa réputation.
  2. L'enfant a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes.

La vie privée peut être considérée comme quelque chose d'intrinsèquement personnel, mais pas au sens des biens personnels. Plutôt, comme l'observe Luciano Floridi, lorsqu'on dit « ma vie privée » ou « mes renseignements personnels », le sens de « ma » ou de « mon » se rapproche plus de celui évoqué dans l'expression « mon corps » que dans « ma voiture » ou quelque autre possession tangible. [6] La vie privée n'est pas quelque chose que nous possédons ; c'est quelque chose qui nous est intrinsèque en tant que personne.

Le droit à la vie privée des individus s'est compliqué avec l'accent mis sur la sécurité et les nombreuses évolutions en matière de surveillance et de technologies de l'information, notamment depuis le 11 septembre 2001. [7] On demande de plus en plus aux individus de renoncer à leur vie privée au nom de la sécurité nationale.

Un thème récurrent dans les discussions sur la surveillance et la vie privée est celui de l'autonomisation et la capacité à choisir les renseignements disponibles et recueillis. [8] Ainsi, les inquiétudes se rattachent souvent au fait que cette surveillance ou cette collecte de renseignements se fait sans que nous le sachions et sans notre consentement. 

Naviguer sur Internet, afficher des photos sur le mur de nos amis, gazouiller, télécharger des images, magasiner et visionner des vidéos en ligne sont toutes des actions qui laissent des traces de données partout. Seules, ces données n'en disent peut-être pas beaucoup, mais réunies, celles-ci peuvent permettre aux sociétés commerciales et aux autorités chargées de l'application de la loi de suivre la trace de nos mouvements et de créer une image relativement précise de notre personne et de nos activités. [9]                 

La vie privée est aussi importante pour le développement des jeunes. Sans vie privée, les conceptions des enfants et des jeunes à propos d'eux-mêmes, de la confiance et des autorités sont altérées. [10] Le respect du droit à la vie privée démontre la confiance et laisse aux jeunes l'espace nécessaire pour acquérir l'estime de soi, notamment l'apprentissage de l'autonomie et l'établissement de relations de confiance.

En effet, les jeunes interrogés dans le cadre du projet de recherche d'HabiloMédias Jeunes Canadiens dans un monde branché ont indiqué qu'ils se sentent plus confortables en ligne quand ils ont l'espace nécessaire pour développer leur propre personne et leur identité – mais qu'ils savent que leurs parents sont là pour les soutenir au besoin. [11]

Les sections qui suivent décrivent les questions associées à la vie privée, la société de surveillance et les techniques de surveillance, les stratégies pour encourager l'autonomie des jeunes Canadiens sans violer leur vie privée et la loi qui régit nos renseignements confidentiels et ce que les tierces parties peuvent faire avec ceux-ci.      

 


[1] Statistique Canada. (2011). Enquête canadienne sur l'utilisation d'Internet. Le Quotidien. Consulté le 11 mai 2012 de http://www.statcan.gc.ca/daily-quotidien/110525/dq110525b-fra.htm.
[2] McClure, M. (2012). Calgary police break privacy legislation by snooping through email, copying topless photos. The Calgary Herald. Consulté le 14 mai 2012 de http://www.calgaryherald.com/news/Calgary /Calgary+police+break+privacy+legislation+snooping+through+email+copying/6542302/story.html
[3] CBC News. (29 mars 2012). UVic failed in privacy breach commissioner rules. Site consulté le 14 mai 2012 de http://www.cbc.ca/news/canada/british-columbia/story/2012/03/29/bc-uvic-identity-theft.html
[4] Hiranandani, V. (2011). Privacy and security in the digital age: contemporary challenges and future directions. The International Journal of Human Rights, 15 (7), 1091-1106.
[5] Idem.
[6] Floridi,L. (2005). The ontological interpretation of informational privacy. Ethics and Information Technology, 7(4), 185-200.
[7] Hiranandani, 2011.
[8] A Report on the Surveillance Society For the Information Commissioner, Surveillance Studies Network Public Discussion Document. (2006). Site consulté le 7 mai 2012 de http://www.ico.gov.uk/ upload/documents/library/data_protection/practical_application/surveillance_society_public_discussion_document_06.pdf
[9] McKee, H. A. (2011). Policy matters now and in the future: Net neutrality, corporate data mining, and government surveillance. Computers and Composition, 28, 276-291.
[10] Steeves, V. (2010). Résumé des recherches sur la protection de la vie privée des jeunes en ligne. Commissariat à la protection de la vie privée du Canada.
[11] HabiloMédias. (2012). Jeunes Canadiens dans un monde branché phase III: Discuter de la vie en ligne entre parents et jeunes. Ottawa, Ontario.