Changer le monde, en ligne et hors ligne

Comment les enseignants facilitent la participation de leurs élèves dans le monde numérique

La Stratégie Ender, classique de science-fiction parue en 1985, est l'un des nombreux titres de cette période à avoir pressenti l'avènement d'Internet et son éventuelle importance dans la société. Bien qu'à certains égards, la technologie décrite dans le roman nous semble quelque peu dépassée (elle ressemble davantage un tableau d'affichage s'appuyant sur le texte qu'au Web que l'on connaît aujourd'hui), un élément s'avère tout particulièrement prémonitoire : l'utilisation d'un réseau pour permettre aux jeunes de participer pleinement à la société. Les jeunes d'aujourd'hui n'utilisent pas Internet pour dominer le monde comme le font les personnages du roman, mais ils s'en servent de plus en plus pour changer le monde et un nombre croissant d'enseignants ont recours à Internet pour promouvoir l'engagement civique dans la classe.

Faire l'apprentissage en ligne des questions civiques

L'une des façons les plus simples pour les enseignants d'utiliser Internet pour encourager les élèves à participer est de les laisser explorer des questions civiques qui sont d'actualité et qu'ils trouvent pertinentes. Par exemple, la classe de mathématiques de Michèle Cooper à l'école élémentaire catholique Holy Cross de LaSalle en Ontario, recueille sur le Web des données sur des sujets tels que l'éducation, la littératie, la faim et l'équité des revenus afin de se familiariser avec la justice sociale. Ces élèves apprennent à évaluer et à présenter l'information sur des enjeux politiques, mais ce qui est tout aussi important, ils apprennent à trouver des faits et des opinions qui pourraient ne pas correspondre aux leurs.

Une étude sur les jeunes et la politique participative effectuée par la fondation MacArthur révèle que bien que de nombreux jeunes disent avoir lu et entendu une grande variété d'opinions et de points de vue sur les questions politiques et civiques, un tiers d'entre eux affirment n'avoir eu connaissance d'aucune opinion politique. Deux facteurs clés contribuent à déterminer si les jeunes trouvent des opinions politiques en ligne : leur participation à des communautés virtuelles – liées ou non à la politique – et l'acquisition de compétences en littératie numérique. Il est essentiel d'enseigner aux jeunes comment trouver et évaluer un grand éventail de points de vue si l'on veut former des adultes engagés et éclairés.

Consulter des experts et des militants

Un autre moyen, plus direct, permet aux enseignants et aux élèves de découvrir différents points de vue et opinions : consulter des experts et des militants par Internet. La classe de 7e-8e année de Tina Bergman à l'école élémentaire Breadner de Trenton en Ontario a fait appel à divers experts pour mieux comprendre différents aspects de la matière enseignée en classe ; par exemple, les élèves ont consulté M. Gerald Conaty, directeur des études autochtones au musée Glenbow de Calgary, pour mieux saisir les rapports établis entre le gouvernement fédéral et les Premières Nations au fil de l'histoire du Canada ; ils ont également fait une sortie virtuelle au Royal Tyrrell Museum of Paleontology de Drumheller, Alberta, pour approfondir les questions environnementales se rattachant à l'utilisation de l'eau.

Faire l'apprentissage de la citoyenneté par le jeu

Les enseignants ont aussi recours aux jeux vidéo et aux mondes virtuels pour intéresser leurs élèves à l'engagement civique. Comme la plupart des jeunes – tant les filles que les garçons – jouent régulièrement des jeux sur une console vidéo ou sur ordinateur, les enseignants ont ainsi une bonne occasion de « commencer là où se trouve l'apprenant ». De plus, le caractère interactif des jeux aide à rendre le contenu plus pertinent et plus immédiat tout en encourageant la participation civique puisqu'il donne à l'élève le sentiment de faire une différence. Certaines classes utilisent des jeux qui abordent directement les questions civiques et politiques, comme iCivics, une série sur des questions d'engagement civique conçue entre autres par l'ancienne juge de la Cour suprême des États-Unis, Sandra Day O'Connor. (La plupart de ces jeux s'inscrivent dans des contextes américains, mais le sous-jeu Activate (https://www.icivics.org/games/activate) traite des façons de promouvoir le changement dans le domaine de la justice sociale en général.) Un autre jeu à caractère politique, Path of the Elders (www.pathoftheelders.com), initie le joueur à la culture et à l'histoire des Premières nations mushkegowuk et anishinaabe en simulant les négociations entourant le Traité de la Baie James. Il est également possible de recourir aux jeux en réalité alternée qui utilisent des sites Web personnalisés, des blogues et des vidéos pour simuler des situations. Certains d'entre eux, tels que World Without Oil (http://www.worldwithoutoil.org/), traitent de questions politiques et peuvent être utilisés en classe (tout comme iCivics et Path of the Elders, World Without Oil s'accompagne d'une série de plans de leçons pour aider les enseignants à présenter la matière).

Mais les enseignants n'ont pas à se limiter aux jeux conçus spécifiquement pour enseigner l'engagement civique. Plusieurs ont recours aux jeux commerciaux comme les séries SimCity et Civilization, aussi bien en version grand public qu'en version personnalisée. Jen Dyenberg, une enseignante canadienne qui vit en Écosse, s'est servie de SimCity 3000 pour rendre les rouages du gouvernement municipal plus attrayant pour les élèves et pour les aider à comprendre les différentes forces qui influencent le développement d'une ville.

Agir en ligne

Pourtant, Internet est véritablement unique, non pas parce qu'il amène le contenu dans la classe, mais bien parce qu'il permet aux élèves d'exercer une influence à l'extérieurde la classe. Il y a deux façons pour les enseignants d'encourager leurs élèves à s'impliquer sur Internet : ils peuvent les aider à faire une différence dans une communauté en ligne et à utiliser Internet pour faire une différence dans leur propre communauté.

Stephen Van Zoost, enseignant à l'école Avon View d'Annapolis en Nouvelle-Écosse, a donné à ses élèves une occasion de faire une différence, tant en ligne que dans leur communauté, en développant et en améliorant les articles de Wikipédia sur deux villes voisines, Stanley et Three Mile Plains. Brenna Gray, du collège Douglas de New Westminster en Colombie-Britannique, a réalisé un projet semblable et a constaté que les élèves se souciaient davantage de la qualité et de l'exactitude de leur projet quand ils savaient que le travail serait publié en ligne.

Parce qu'il est très facile de participer à Wikipédia, ce peut être une bonne occasion de faire comprendre aux jeunes qu'ils peuvent s'impliquer activement dans une communauté en ligne. Internet peut aussi être un moyen de faire connaître ce que les jeunes font hors ligne : le site Web de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, Imagineaction (http://www.imagine-action.ca/), présente une grande variété de projets d'engagement civique réalisés partout au Canada, de jardins communautaires à la promotion de l'action sociale par l'étude d'auteurs canadiens.

On peut penser qu'il y a loin entre le développement d'un article sur Wikipédia et l'action civique qui a caractérisé « le printemps arabe » (les outils de réseautage tels que Facebook et Twitter ont été utilisés pour aider à provoquer un grand changement social) ou encore des projets tels que Ushahidi (http://www.ushahidi.com/) qui permet, entre autres, de suivre à la trace la violence à la suite des élections au Kenya ou l'organisation des secours humanitaires en Haïti. Mais en réalité, les jeunes du Canada se servent d'Internet pour s'impliquer dans de véritables changements sociaux, défendant des questions comme le droit d'auteur et prônant l'obtention graduelle du permis de conduire (deux domaines dans lesquels les campagnes menées sur Facebook ont réussi à influencer les politiques publiques). De même, les enseignants commencent à utiliser Internet pour rendre l'éducation civique plus pertinente et plus intéressante pour leurs élèves et pour établir des liens plus évidents entre le contenu de leurs cours et l'engagement civique dans le monde réel. Internet permet aux jeunes de participer aux communautés en ligne en tant que citoyens à part entière et de faire entendre leur voix dans le monde hors ligne. Il est temps que nous tirions avantage de cette technologie pour favoriser un authentique engagement civique dans la classe.

Pour obtenir plus d'information sur la façon d'utiliser les médias numériques pour aider les jeunes à devenir des citoyens plus actifs, consulter le rapport du Réseau Éducation-Médias Du consommateur au citoyen : Les médias numériques et l'engagement civique des jeunes .