Où obtenons-nous de l’information sur la santé et les sciences?

Beaucoup d’entre nous préférons grandement les sources en ligne pour chercher de l’information sur la santé et les sciences,[1] mais une majorité trouvent d’abord des articles sur la santé et les sciences à travers un organe d'information traditionnel.[2]

Dans l’actualité

                Mon travail est non seulement d’avoir raison, mais bien plus d’être lu.[3]

De nombreux magazines et journaux conservent une longue tradition de reportages scientifiques fiables, mais certaines différences fondamentales entre la façon dont les sciences et le journalisme sont réalisés peuvent entraîner des récits trompeurs. L’essentiel pourrait être que pour qu’un article scientifique soit présenté dans l’actualité, il doit valoir la peine d'être publié. Ainsi, les découvertes récentes ou celles qui remettent en cause le consensus scientifique sont plus susceptibles d’être couvertes que celles qui renforcent le consensus ou qui produisent des résultats nuls (par exemple, des résultats qui ne montrent pas qu’une substance en particulier a une incidence sur la santé), même si ceux-ci sont tout aussi importants pour la science. Cela peut également produire une impression selon laquelle le consensus est moins grand pour certaines questions qu’en réalité, parce que les découvertes qui remettent en question le consensus sur une question politiquement chargée, comme les changements climatiques, valent automatiquement plus la peine d’être publiées que celles qui l’appuient. De même, la structure de « pyramide inversée » qu’adopte la plupart des articles d’actualité et qui exige que les détails les plus intéressants soient exposés en premier, peut accorder moins d’importance aux avertissements ou aux limites d’une étude. Enfin, les résultats doivent être présentés de manière à ce que les lecteurs les comprennent et les estiment pertinents. Comme le rapporte un journaliste scientifique :

Rappelez-vous que les journaux tentent de donner dans le sensationnel; ils ne présentent pas les résultats d’une étude scientifique. Ils écrivent une histoire à propos d’une étude scientifique, vous incitent à la lire et essaient de capter votre intérêt.[4]

Ces facteurs expliquent peut-être pourquoi, selon une étude, il est plus probable que les journaux couvrent des études médicales qui présentent une méthodologie faible et des articles qui proviennent de revues peu fiables.[5]

Les réseaux sociaux

Comme pour les autres nouvelles, les réseaux sociaux sont devenus un moyen important pour trouver de l’information sur la santé et les sciences : 26 % des utilisateurs de réseaux sociaux aux États-Unis suivent activement des comptes portant sur la science. Toutefois, alors que cela montre l’utilité des réseaux sociaux pour livrer ce type d’information, l’étude montre également comment les réseaux sociaux peuvent propager la désinformation : parmi ceux qui suivent des comptes portant sur les sciences, un peu moins des deux cinquièmes affirment suivre des sources qui « fournissent de nouvelles perspectives par rapport aux sciences traditionnelles et à la recherche médicale ». Une faible majorité disent se méfier de l’information scientifique obtenue sur les réseaux sociaux, comparativement au quart qui rapportent faire confiance à la plupart des articles. Ces données pourraient aussi être reliées à la découverte selon laquelle la plupart du contenu trouvé concerne des découvertes « étranges ou bizarres ». [6]

Deux aspects de l’architecture des réseaux sociaux – la capacité des utilisateurs à créer des réseaux personnels et l’utilisation d’algorithmes pour pousser du contenu qui fera probablement réagir les utilisateurs – peuvent également faire en sorte que les utilisateurs soient grandement susceptibles d’être exposés à la désinformation et, surtout, que les opinions mal renseignées soient renforcées. Pour des enjeux portant sur la santé tels que la vaccination, par exemple, des histoires négatives sur Twitter se répandent plus facilement et ont une plus grande incidence que les histoires positives.[7] Cela peut avoir de puissantes répercussions sur le comportement : les parents sont susceptibles de renoncer, du moins partiellement, à la vaccination si plus du quart des membres de leur réseau y sont opposés.[8] Les groupes organisés tirent profit de cet effet – et l’amplifient – en trouvant des gens qui cherchent de l’information et en les « recrutant » au sein de groupes Facebook qui renforcent la désinformation et bloquent les opinions contradictoires, de la même manière que les groupes haineux radicalisent la population en ligne.[9]

Dans la communauté autiste, nous voyons passer des faits alternatifs et des fausses nouvelles depuis 20 ans. Les gens disparaissent graduellement dans de petites bulles : des groupes de courriels privés, des groupes Facebook, etc. Et puis ils cherchent à obtenir confirmation.
– Mike Stanton, parent d’un enfant autiste[10]

Cet effet – appelé l’ « illusion de la majorité » par les chercheurs – peut amener les participants dans des réseaux fermés à voir uniquement l’information qui renforce leurs opinions et à percevoir le consensus scientifique comme étant marginalisé.[11]

De même, la pratique consistant à utiliser des « influenceurs » pour endosser des produits sur les médias sociaux – qui, souvent, ne sont pas identifiés comme des publicités[12] – s’étend à la santé et à la médecine, avec les hôpitaux, les compagnies pharmaceutiques et les chercheurs en marketing qui paient les patients pour produire des témoignages en leur nom. Comme d’autres campagnes d’influenceurs, celles-ci troublent dangereusement la distinction entre la publicité et les comptes rendus honnêtes des expériences de leurs patients et peuvent induire en erreur des gens ayant reçu le diagnostic d’une maladie ou qui soupçonnent en être atteints.[13]

Les moteurs de recherche

Pour bien des gens qui cherchent de l’information sur les sciences et la santé, les moteurs de recherche – ou leur semblable à commande vocale comme Siri d’Apple – sont leur premier arrêt et, souvent, leur dernier. Par exemple, plus de la moitié des Canadiens rapportent avoir fait une recherche sur la santé au cours du dernier mois,[14] tandis qu’une étude menée aux États-Unis a révélé que les deux tiers des chercheurs d’information sur la santé commencent par un moteur de recherche.[15] Les raisons de la popularité des moteurs de recherche sont évidentes : commodité, familiarité, quantité d’information disponible et sensation de réaliser des recherches privées et confidentielles.[16]

La bonne nouvelle, c’est que pour la plupart de ces personnes, une recherche en ligne n’est que la première étape d’un processus qui conduit habituellement à une consultation avec un professionnel de la santé,[17] ce qui fait en sorte que les docteurs deviennent des sources d’éducation aux médias numériques, car leurs patients arrivent parfois avec de l’information provenant de sources peu fiables. Docteur David Esho, médecin de famille à l’hôpital Western de Toronto, raconte à la presse canadienne :

Mes collègues et moi disons tous catégoriquement qu’Internet prend de l’importance pour la recherche d’information médicale de nos patients et pour la façon dont cela teint l’interaction que nous avons avec nos patients… Ceux-ci font une recherche sur Google et pensent avoir une maladie intéressante ou rare parce qu’ils ont une myriade de symptômes… Lorsqu’ils entrent dans mon bureau et me récitent quelque chose qui ne correspond pas avec ce qui est couramment accepté par la pratique médicale, je saisis l’occasion de visiter le site Web avec eux pour y jeter un œil.[18]

Toutefois, comme pour les réseaux sociaux, le fait que les moteurs de recherche ne distinguent généralement pas les sources fiables des sources peu fiables est préoccupant. Dans une étude, la principale utilisation des moteurs de recherche était de chercher des options de traitement, un participant sur six cherchant précisément des traitements alternatifs.[19] Les jeunes sont plus susceptibles d’utiliser un moteur de recherche comme source d’information[20] ou de se contenter de cliquer sur le premier résultat : la moitié des jeunes sondés sur leurs habitudes lorsqu'ils cherchent de l’information sur la santé ont dit que c’est ce qu’ils font, un nombre équivalent croyant (faussement) que Google endosse la fiabilité d’une source en lui donnant un placement élevé dans les résultats de recherche.[21] Google, le plus grand moteur de recherche et ce, par une marge considérable, rapporte travailler à améliorer la façon dont les recherches sur la santé sont présentées[22], mais au moment d’écrire ces lignes, une recherche portant sur « devrais-je faire vacciner mes enfants » donnait, parmi les principaux résultats, quatre sources appuyant la vaccination, trois sources y étant opposées et trois présentant « les deux côtés » d’une question qui a, d’un point de vue scientifique, un seul côté. Un nombre croissant de personnes sont infectées par des maladies potentiellement fatales en résultat de cette désinformation.[23]

Le Web

Que l’on obtienne l’information sur la santé par des moteurs de recherche, des médias sociaux ou en posant des signets de sources que l'on sait fiables, la plupart de cette information que l’on obtient en ligne finit par venir des sites Web. Bien qu’il y ait d’excellentes sources d’information sur la santé et les sciences disponibles en ligne, la facilité de publication sur le Web signifie que l’information qu’on y trouve est souvent peu fiable.[24] Cela est problématique parce que pour beaucoup de gens, le Web est une source de confiance pour de l’information sur la santé,[25] et cette information a une incidence : par exemple, plus du quart des adolescents disent avoir changé leur comportement en raison d’information sur la santé qu'ils ont trouvée en ligne.[26]

La fiabilité des sources Web varie de manière considérable. Les sites de vidéo comme YouTube ont beaucoup de problèmes similaires avec ceux des moteurs de recherche et des réseaux sociaux, les filtres personnels et algorithmiques poussant les visionneurs à regarder du contenu de plus en plus extrême : une étude a découvert que les deux tiers des vidéos sur les vaccins sont contre la vaccination, comparativement à seulement une sur cinq qui est en faveur et à une sur six qui est neutre. La même étude a également révélé qu'un seul visionnement de vidéo anti-vaccination menait au site qui en recommande d’autres,[27] ce qui conduit potentiellement au phénomène connu sous l’appellation « illusion de la majorité », selon lequel ceux qui dépendent des vidéos ou des réseaux sociaux pour de l’information sur la santé et les sciences peuvent en venir à croire à un faux consensus qui s’oppose au consensus scientifique sur un sujet. De même, une revue des outils d’évaluation en ligne indique que seulement 34 % d’entre eux donnent un diagnostic correct et 56 % donnent un conseil approprié quant au traitement.[28] D’un autre côté, les docteurs qui ont examiné les discussions sur la santé dans les forums en ligne Patient, Mumsnet et Reddit ont découvert qu’elles étaient quatre fois plus susceptibles de contenir de l’information de qualité que le contraire : mais la principale préoccupation des docteurs était l’absence généralisée d'une « meilleure » recommandation identifiée comme telle.[29]

En bref, il y a de l’information de qualité sur la santé et les sciences en ligne, mais un grand nombre des sites, plateformes et forums que nous utilisons ne font soit aucune distinction entre la bonne et la mauvaise information ou nous guident activement vers du contenu peu fiable. C'est pourquoi il est important d’être alerte quant aux différentes sortes de désinformation sur ces sujets – et les raisons pour lesquelles les gens en font la promotion – et d’avoir les compétences nécessaires pour chercher de bonnes informations et les reconnaître quand on les trouve.

 


[1] Jacobs, W., Amuta, A. O., & Jeon, K. C. (2017). Health information seeking in the digital age: An analysis of health information seeking behavior among US adults. Cogent Social Sciences, 3(1). doi:10.1080/23311886.2017.1302785
[2] Funk, C., Gottfried, J., & Mitchell, A. (2017). Science News and Information Today (Rep.). Pew Research Center.
[3] Une entrevue avec un journaliste anonyme dans Jarman, R., & Mcclune, B. (2010). Developing students ability to engage critically with science in the news: Identifying elements of the ‘media awareness’ dimension. The Curriculum Journal, 21(1), 47-64. doi:10.1080/09585170903558380
[4] Jarman, R., & Mcclune, B. (2010). Developing students ability to engage critically with science in the news: Identifying elements of the ‘media awareness’ dimension. The Curriculum Journal, 21(1), 47-64. doi:10.1080/09585170903558380
[5] Selvaraj, S., Borkar, D. S., & Prasad, V. (2014). Media Coverage of Medical Journals: Do the Best Articles Make the News? PLoS ONE, 9(1). doi:10.1371/journal.pone.0085355
[6] Funk, C., Gottfried, J., & Mitchell, A. (2017). Science News and Information Today (Rep.). Pew Research Center.
[7] White, N. J. (2013, 4 avril). Anti-vaccination views more contagious than pro ones on Twitter. The Toronto Star.
[8] Pearce, T. (2017, 25 mars). Helping parents sort vaccination fact from myth. The Globe and Mail.
[9] Silverman, C., Lytvynenko, J., & Vo, L. T. (2018, 19 mars). How Facebook Groups Are Being Exploited To Spread Misinformation, Plan Harassment, And Radicalize People. Récupéré le 26 mars 2018 à partir de https://www.buzzfeed.com/craigsilverman/how-facebook-groups-are-being-exploited-to-spread?utm_term=.fqlXA25ad#.ryX5KZ3ML
[10] Chivers, T. (2017, 28 août). How The Parents Of Autistic Children Are Being Targeted By Misinformation Online. Récupéré le 26 mars 2018 à partir de https://www.buzzfeed.com/tomchivers/how-online-filter-bubbles-are-making-parents-of-autistic?
[11] Lerman K, Yan X, Wu XZ (2016) The "Majority Illusion" in Social Networks. PLOS ONE 11(2): e0147617. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0147617
[12] Matsakis, L. (2018, 27 mars). YouTube and Pinterest Influencers Almost Never Disclose Marketing Relationships. Récupéré le 29 mars 2018 à partir de https://www.wired.com/story/youtube-pinterest-influencers-never-disclose-affiliate-links/
[13] Molteni, M. (2018, 9 janvier). Social Media Influencers Finally Come to ... Medicine. Récupéré le 29 mars 2018 à partir de https://www.wired.com/2017/03/social-media-influencers-finally-come-medicine/
[14] Oliveira, M. (2013, 31 juillet). More than half of Canadians say they use the web to self-diagnose symptoms: Poll. Canadian Press.
[15] Zhao, Y., & Zhang, J. (2017). Consumer health information seeking in social media: A literature review. Health Information & Libraries Journal,34(4), 268-283. doi:10.1111/hir.12192
[16] Choudhury, M. D., Morris, M. R., & White, R. W. (2014). Seeking and sharing health information online. Proceedings of the 32nd Annual ACM Conference on Human Factors in Computing Systems - CHI 14. doi:10.1145/2556288.2557214
[17] Zhao, Y., & Zhang, J. (2017). Consumer health information seeking in social media: A literature review. Health Information & Libraries Journal,34(4), 268-283. doi:10.1111/hir.12192
[18] Oliveira, M. (2013, 31 juillet). More than half of Canadians say they use the web to self-diagnose symptoms: Poll. Canadian Press.
[19] Choudhury, M. D., Morris, M. R., & White, R. W. (2014). Seeking and sharing health information online. Proceedings of the 32nd Annual ACM Conference on Human Factors in Computing Systems - CHI 14. doi:10.1145/2556288.2557214
[20] Cohen, N. (2009, 8 juin). The Wars of Words on WIkipedia's Outskirts. The New York Times.
[21] Teens, Health, and Technology: A National Survey June 2015(Rep.). (2015). Center on Media and Human Development, School of Communication, Northwestern University.
[22] Lapowsky, I. (2015, 2 octobre). Google Will Make Health Searches Less Scary With Fact Checked Results. Récupéré à partir de https://www.wired.com/2015/02/google-health-search/
[23] Phadke, V.K., Bednarczyk, R.A., Salmon, D.A et al. (2016). Association Between Vaccine Refusal and Vaccine-Preventable Diseases in the United States: A Review of Measles and Pertussis. Journal of the American Medical association. doi:10.1001/jama.2016.1353
[24] Ek, S., Eriksson-Backa, K., & Niemelä, R. (2013). Use of and trust in health information on the Internet: A nationwide eight-year follow-up survey. Informatics for Health and Social Care,38(3), 236-245. doi:10.3109/17538157.2013.764305
[25] Mead, N., Varnam, R., Rogers, A., & Roland, M. (2003). What Predicts Patients’ Interest in the Internet as a Health Resource in Primary Care in England? Journal of Health Services Research & Policy,8(1), 33-39. doi:10.1177/135581960300800108
[26] Teens, Health, and Technology: A National Survey June 2015(Rep.). (2015). Center on Media and Human Development, School of Communication, Northwestern University.
[27] Yom-Tov, E., & Fernandez-Luque, L. (14 novembre 2014). Information is in the eye of the beholder: Seeking information on the MMR vaccine through an Internet search engine. Dans l’AMIA Annual Symposium Proceedings Archive. Récupéré à partir de https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4419998/
[28] Semigran, H. L., Linder, J. A., Gidengil, C., & Mehrotra, A. (2015). Evaluation of symptom checkers for self diagnosis and triage: Audit study. Bmj. doi:10.1136/bmj.h3480
[29] Gooray, E. (2016, 14 janvier). Go Ahead, Crowdsource Your Symptoms. Pacific Standard. Récupéré le 26 mars 2018 à partir de https://psmag.com/environment/go-ahead-crowdsource-your-symptoms