Empathie

L’empathie est au cœur de l’éthique. Pour développer un sens du bien et du mal qui va plus loin que la peur de la punition ou l’espoir d’une récompense, nous devons pouvoir nous mettre à la place d’une autre personne.

Alors que l’empathie comporte de nombreux éléments, la compréhension du point de vue des autres (imaginer ce qu’une autre personne pense ou ressent) en est une partie importante. Racines de l’empathie, un programme canadien qui réunit les bébés et leurs parents dans la classe à l’école pour aider les élèves à développer et à pratiquer leur compréhension du point de vue des autres, a prouvé qu’il réduisait l’intimidation et augmentait les sentiments d’empathie chez les élèves ainsi que leurs enseignants.[i] Il faut noter deux éléments importants au sujet de l’empathie. Il existe en réalité deux types d’empathie : l’empathie affective (lorsque nous partageons la joie, l’inquiétude ou la tristesse d’une autre personne) et l’empathie cognitive (la capacité de déterminer comment une personne se sent et de deviner comment un élément la fera se sentir). Alors que l’empathie affective est liée au comportement positif comme résister à l’intimidation,[ii] certains types de comportements intimidants sont en réalité associés à des niveaux élevés d’empathie cognitive.[iii] (Cela ne signifie pas qu’un niveau élevé d’empathie cognitive rend une personne plus susceptible d’être intimidatrice, mais seulement que certains types de comportements intimidants nécessitent que l’empathie cognitive soit efficace.)

Les enfants montrent d’abord des signes d’empathie par le biais des composantes émotionnelles de l’empathie puisque les bébés reflètent les émotions qu’ils voient autour d’eux. Il a été prouvé que les bébés âgés de 18 heures seulement ont fait preuve de réactivité envers d’autres bébés en détresse grâce aux neurones miroirs. À mesure que les enfants grandissent, l’empathie cognitive, mentionnée ci-dessus, commence à enrichir l’empathie émotionnelle qu’ils possèdent actuellement[iv]. Aussi, si les programmes visant à développer l’empathie sont généralement efficaces, un petit nombre de jeunes n’y répondent pas[v]. C’est l’une des raisons pour lesquelles, bien que le développement de l’empathie soit le fondement de l’éthique en ligne, il ne constitue qu’un outil parmi d’autres pour encourager un comportement éthique en ligne. Comme l’affirme la PDG de l’organisme Racines de l’empathie, « l’empathie est acquise, elle ne s’enseigne pas[vi] », et les enfants apprennent donc par l’exemple, que ce soit en ligne ou dans leur vie quotidienne. 

Malheureusement, la communication par le biais de médias numériques comme les réseaux sociaux peut créer un « piège de l’empathie » qui nous empêche de ressentir de l’empathie dans des situations où nous le ferions normalement : c’est parce que nous ne voyons et n’entendons pas les éléments qui déclenchent habituellement l’empathie en nous, comme le langage corporel, l’expression faciale, le ton de la voix ou le contact visuel. De plus, les plateformes en ligne, comme les sites de vidéos et les réseaux sociaux, sont conçues pour nous offrir des contenus auxquels nous réagissons fortement, faisant en sorte qu’il est plus difficile de garder son calme.

Cela signifie que nous devons fournir un effort particulier pour nous rappeler d’être empathiques en ligne. Voici quelques conseils pour aider nos enfants, et nous-mêmes, à le faire.

  • N'oublie pas que les gens à qui tu parles et avec qui tu joues sont de vraies personnes. Même si tu ne les connais pas hors ligne, imagine que la personne est assise à côté de toi avant de lui dire ou de lui écrire quoi que ce soit: des recherches ont montré qu’une grande partie des conflits en ligne découle du fait que les gens ne voient pas les indices qui montrent comment les autres se sentent[vii].
  • Présume toujours le meilleur de l’autre personne : en raison de l’absence d’indices d’empathie, notre instinct nous pousse à interpréter les interactions numériques de manière beaucoup plus négative. Pour la même raison, tu ne devrais utiliser le sarcasme en ligne que si tu es sûr que l’autre personne va te comprendre[viii].
  • Ne réponds pas tout de suite. Quand quelque chose te fâche, prends le temps de laisser passer la colère initiale ou de laisser la peur s'estomper.
  • Pratique l’écoute active et présente tes propos comme étant ton opinion. Tu peux dire des choses comme « Je crois que tu es en train de dire que… », « Si je comprends bien, tu… » ou « Je me sens comme… »
  • Lorsque tu le peux, mets les choses au clair en personne plutôt qu'en ligne. N'oublie pas que l'autre personne ne peut pas savoir comment tu te sens en ligne; ainsi, la tension peut grimper dramatiquement.
  • Parle de tes émotions à tes amis et à ta famille. Les enfants persistent à dire que le simple fait d'avoir quelqu'un qui les écoute leur permet de gérer efficacement les conflits en ligne.[ix]
  • Si tu ne peux pas parler à quelqu'un de ton entourage, tu peux faire appel à un service d'assistance téléphonique, comme Jeunesse, J'écoute (www.jeunessejecoute.ca).
  • Ne demande pas à ton groupe d'amis d'appuyer ton message. La recherche indique que le même message répété maintes et maintes fois – même si cela est fait par des amis qui adhèrent à ton point de vue dans un débat – peut intensifier encore plus un sentiment de colère.[x] Cela peut également accroître la tension et provoquer un conflit bien plus grand.
  • Sois à l'écoute de tes propres émotions! Il est difficile de prendre les bonnes décisions lorsque nous sommes envahis par la colère, la peur ou l'embarras. Si ton cœur s'emballe ou si tu te sens tendu, tu devrais passer hors ligne pendant quelque temps. Chacun a des « indices » différents qui lui indiquent ce qu’il ressent, comme une douleur au ventre ou une oppression dans la poitrine. Apprendre à les reconnaître peut donc nous aider à communiquer davantage consciemment en ligne et hors ligne[xi].

Pour un guide sur la façon d’entretenir l’empathie chez les enfants de tous les âges, consultez la fiche‑conseil Développer l’empathie chez les enfants et les adolescents.

 

[i] Santos, R. G., Chartier, M. J., et al. (2011). Effectiveness of school-based violence prevention for children and youth: Cluster randomized field trial of the Roots of Empathy program with replication and three-year follow-up. Healthcare Quarterly, 14, 80-91.

[ii] Udabage, M. (2013). What Makes Teenagers Stand Up For Bullying Victims, HappyChild.com. Consulté sur le site http://www.happychild.com.au/articles/what-makes-teenagers-stand-up-for-bullying-victims

[iii] Willard, N.(2012). Influencing Positive Peer Interventions: A Synthesis of the Research Insight. Consulté sur le site http://www.embracecivility.org/wp-content/uploadsnew/2011/10/PositivePeerInterventions.pdf

[iv] Walsh, E (2019) How children develop empathy. Psychology Today. Consulté sur le site https://www.psychologytoday.com/ca/blog/smart-parenting-smarter-kids/201905/how-children-develop-empathy

[v] Brady, N. (2012) Empathy Work Lost on One in Five Cyber Bullies. Sydney Morning Herald. Consulté sur le site http://www.smh.com.au/national/empathy-work-lost-on-one-in-five-cyber-bullies-20120818-24f3g.html

[vi] Walsh, E (2019) How children develop empathy. Psychology Today. Consulté sur le site https://www.psychologytoday.com/ca/blog/smart-parenting-smarter-kids/201905/how-children-develop-empathy

[vii] Voggeser, B. J., Singh, R. K., & Göritz, A. S. (2018). Self-control in online discussions: Disinhibited online behavior as a failure to recognize social cues. Frontiers in psychology, 8, 2372.

[viii] Laubert, C., Parlamis, J. Are You Angry (Happy, Sad) or Aren’t You? Emotion Detection Difficulty in Email Negotiation. Group Decis Negot 28, 377–413 (2019). https://doi.org/10.1007/s10726-018-09611-4

[x] Englander, E.K. Bullying and cyberbullying: what every educator needs to know. Cambridge, Mass.: Harvard Education Press, 2013.

[xi] Grimes, D. (2020). How to be Angry on the Internet (Mindfully), Part 2. Commonplace. https://doi.org/10.21428/6ffd8432.cff9fef6