Développement éthique

Que veut-on dire par éthique et agir de façon éthique? Essentiellement, l’éthique est la façon dont nous déterminons qu’une action que nous réalisons, ou que quelqu’un d’autre réalise, est appropriée ou non. L’élément le plus fondamental de l’éthique est l’empathie, soit la capacité d’imaginer et de comprendre comment les autres se sentent. Nous commençons habituellement à apprendre l’empathie lorsque nous sommes petits, mais la suite de cet apprentissage, et sa pratique dépendent largement de ce qu’on nous enseigne. 

Au fur et à mesure que nous grandissons, nous passons par des étapes distinctes de développement moral au cours desquelles notre réflexion éthique se fonde sur différents principes : le désir d’éviter les punitions (étape 1), le désir d’obtenir des récompenses (étape 2), le désir de s’intégrer et de se conformer pour plaire aux autres (étape 3), et le devoir de suivre les règles, les lois et les codes sociaux (étape 4). Viennent ensuite le sentiment de participer à un contrat social (étape 5) et une moralité qui s’appuie sur les principes éthiques universels de la justice, de l’égalité et de la dignité de toutes les personnes (étape 6). La meilleure façon d’illustrer les distinctions entre les étapes 4, 5 et 6 est d’examiner la façon dont chacun considère les lois. À l’étape 4, une loi est un absolu qui doit être respecté dans toutes les circonstances. À l’étape 5, une loi est considérée comme l’expression de la volonté du peuple et peut être modifiée (officiellement ou officieusement) si un nombre suffisant de personnes y consentent. À l’étape 6, les lois ne doivent être respectées que si elles sont considérées comme justes à la lumière des principes éthiques universels. Les personnes se trouvant à ces trois étapes du raisonnement moral auraient pu, par exemple, réagir à des lois discriminatoires à l’égard des Afro-Américains en disant respectivement « C’est la loi, alors respectez-la », « Respectez la loi jusqu’à ce que nous la changions » et « Désobéissez à une loi injuste »[i].

Selon Lawrence Kohlberg, pionnier de l’étude sur le développement moral, de nombreux adultes ne dépassent pas cette étape. Certains passent temporairement au cynisme, que Kohlberg définit comme le rejet de la moralité normative sans la remplacer, le résultat ressemblant souvent à un retour aux premières étapes. Toutefois, d’autres passent aux étapes postconventionnelles, où l’esprit des lois devient plus important que la lettre, et où les conventions et les lois sociales sont soupesées en regard de principes plus larges et peuvent ne pas être respectées. (Il convient de noter qu’il ne s’agit pas d’ignorer purement et simplement une loi qui ne nous convient pas. Comme l’a dit Martin Luther King : « Celui qui enfreint une loi injuste doit le faire avec ouverture et sollicitude et accepter volontairement de rester en prison pour éveiller la conscience de la communauté à l’égard de son injustice[ii]. »)

Cette progression comporte un certain nombre d’éléments importants. Les étapes décrivent une manière de prendre une décision sur une question morale. Décrire une personne comme étant rendue à une étape en particulier signifie qu’elle porte des jugements moraux de cette manière plus que la moitié du temps, et même celles qui se trouvent principalement à l’étape 5 ou 6 prennent des décisions fondées sur un raisonnement de stade inférieur. En outre, les enfants ne peuvent comprendre les arguments moraux qu’à une étape au-dessus de leur niveau actuel. Les jeunes enfants, par exemple, ne comprendront pas vraiment un principe abstrait comme « ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’ils te fassent », mais pourraient le comprendre dans les termes intéressés de l’étape 2 comme disant « si tu es gentil avec les gens, ils seront probablement gentils avec toi; si tu es méchant avec les gens, ils penseront que c’est normal d’être méchant envers toi ». Certains facteurs peuvent ralentir le développement moral, en particulier l’exposition à la violence : des études menées auprès d’enfants ayant grandi en Irlande du Nord et au Liban pendant les périodes de conflit ont montré que bon nombre d’entre eux n’avaient pas dépassé les étapes 1 et 2[iii].

Il est important de noter que les dernières étapes ne remplacent pas les premières. Elles sont une autre façon de penser à ce qui est bien et mal, mais même en tant qu’adultes, nous agirons souvent selon un désir de nous conformer aux normes sociales pour obtenir une récompense ou éviter une punition. Tout de même, en parlant avec les jeunes, il est important de tenir compte du stade de leur développement moral : les jeunes enfants réagiront mieux à des pénalités bien communiquées ou à une explication claire des lois et des règles pertinentes, alors que les préadolescents et les adolescents sont plus susceptibles de se laisser influencer par leur perception des normes sociales et les valeurs d’une collectivité (comme leur école ou leur famille) ou par des appels à un principe moral général. Bien qu’il soit important d’établir des règles et des procédures claires à tous les âges, voilà pourquoi nous devons prêter une attention particulière aux messages implicites que nous envoyons aux jeunes plus âgés concernant les valeurs culturelles ou la moralité.

Comment prenons-nous des décisions éthiques? La recherche a permis de découvrir que nous suivons un processus en quatre étapes lorsque nous faisons quelque chose pour des raisons éthiques.[iv] Chacune de ces étapes est essentiellement une occasion de « choisir la solution facile ». Par exemple, la première étape consiste simplement à identifier la situation comme étant une question morale : en percevant une chose comme étant une question éthique, nous sommes plus susceptibles d’y réfléchir prudemment avant d’agir.[v] La deuxième étape consiste à comprendre la question de façon émotive en appliquant de l’empathie à la situation. La troisième étape consiste à pouvoir mettre de côté la motivation personnelle pour prendre une décision morale qui pourrait ne pas être dans notre meilleur intérêt. Enfin, pour prendre une décision morale, nous devons pouvoir agir contre l’opposition publique si notre propre moralité entre en conflit avec les attitudes ou les codes sociaux.

 


[i] Kohlberg, L., & Hersh, R. H. (1977). Moral development: A review of the theory. Theory into practice, 16(2), 53-59. [traduction]

[ii] Wikipedia. 2016. Letter from Birmingham Jail. Consulté sur le site <https://en.wikipedia.org/wiki/Letter_from_Birmingham_Jail> [traduction]

[iii] Garabino, J., Kostelny, K., and Dubrow, N. (1991). What children can tell us about living in danger. American Psychologist, 46(3), 376-383.

[iv] J.R. Rest. Moral Development. 1986

[v] Bonde, S et al (2013) A Framework for making ethical decisions. Brown University. Consulté sur le site https://www.brown.edu/academics/science-and-technology-studies/framework-making-ethical-decisions