Image corporelle – Éducation médias et image corporelle

Il est prouvé que l’éducation aux médias peut lutter contre la pratique des médias qui nous imposent des modèles masculins et féminins parfaitement irréalistes. Par exemple, une étude réalisée en 2015 révèle que les filles aussi jeunes que la 5e année qui ont reçu une éducation aux médias à l’école avaient une meilleure estime d’elles-mêmes et étaient plus satisfaites de leur corps[1].

Une vaste recherche portant sur les programmes conçus pour aider les jeunes à résoudre leurs problèmes liés à l’image corporelle et aux troubles alimentaires démontre clairement que l’éducation aux médias est l’une des meilleures stratégies en pareil cas [2]. Dans le rapport de 2014 du Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes, la présidente a fait remarquer que « les campagnes de prévention peuvent inclure un volet […] de littératie médiatique, dans le but d’amener les jeunes à accroître […] leur confiance en eux […] et à développer leur esprit critique face aux messages des médias ». Le comité a aussi noté que la « littératie médiatique [devrait être utilisé] pour contrer un idéal inatteignable de beauté et de minceur [3] ».

De même, une étude menée en 2018 indique que la pensée critique « à l’égard de l’utilisation des médias est efficace comme forme de protection contre les mentalités qui entraînent des troubles alimentaires [4] ». D’autres études ont permis d’établir que la capacité de réfléchir de façon critique aux techniques utilisées pour créer des photos numériquement manipulées est associée à une image corporelle positive [5]. Cette aptitude à la pensée critique est apprise par le biais d’un programme d’éducation aux médias puisque les jeunes peuvent développer leur propre scepticisme et comprendre comment l’appliquer correctement dans le monde numérique.

« Toutes les répondantes ayant indiqué que les médias influençaient le plus la façon dont elles percevaient leur corps a aussi répondu par l’affirmative lorsqu’on leur a demandé si elles avaient déjà essayé de modifier l’apparence de leur corps [6]. »

Pour qu’un programme de littératie médiatique porte fruit, il doit être offert à long terme, mettre l’accent sur le sens critique, le questionnement et la discussion, inciter les jeunes à s’impliquer dans l’action plutôt que de privilégier le cours magistral et, enfin, enseigner les concepts clés de la littératie médiatique  [7].

Voici une liste de ces concepts clés; ils vous serviront de guides pour animer une discussion sur la représentation médiatique et l’image corporelle. Pour chacun des concepts clés, nous avons formulé une série de questions qui aideront les jeunes à mettre au défi les messages médiatiques et à s’interroger sur l’image que nous « devons » projeter : 

Les médias sont des constructions représentant notre réalité. Demandez-leur :

  • Qui a créé ce produit média?  
  • Dans quel but?  
  • Quelles sont les affirmations ou les croyances de ce créateur au sujet du corps humain? 

Les médias transmettent des valeurs sociales et idéologiques. Demandez-leur :

  • Quelles sont les silhouettes les plus valorisées par les médias? Lesquelles sont le moins valorisées?  
  • Pourquoi sommes-nous exposés à outrance à ce type de silhouettes?  
  • Quelles sont les silhouettes qu’on ne voit jamais dans les médias?  
  • À la lumière de ces observations, quelle conclusion le public en tire-t-il selon vous?

Les médias ont un rôle commercial. Demandez-leur :

  • Quel est l’enjeu commercial de ce produit média (autrement dit, comment deviendra-t-il rentable?)
  • Quels types de « sagesse traditionnelle » quant aux types de morphologies qui sont attirantes pour le public (p. ex. les consommateurs rejetteront les mannequins qui ne sont pas minces, le public des cinémas s’attend à ce que les acteurs masculins soient musclés, etc.) pourraient influencer les décisions des créateurs de médias?
  • En quoi cet enjeu influe-t-il sur le contenu du produit et de quelle manière ce message nous est-il transmis?
  • Quels étaient les coûts pour partager et distribuer ce produit?
  • Comment ces objectifs peuvent-ils influer sur le contenu et sur le mode de transmission du message? 

Chaque public donne un sens différent à un produit média. Demandez-leur :

  • Comment expliquer que diverses personnes (p. ex. hommes et femmes, ou personnes n’ayant pas la morphologie « idéale) puissent percevoir différemment le même produit média?  
  • Comment réagissez-vous à cela, sachant que vous êtes très semblable ou très différent des personnes présentées dans ce produit média?
  • Si vous aviez l’occasion de parler aux personnes qui ont créé ce produit médiatique, que lui diriez-vous ou que leur demanderiez-vous?
  • Si vous aviez l’occasion de créer un produit médiatique similaire, que feriez-vous différemment?

La forme de chaque média est unique. Demandez-leur :

  • Dans ce produit média, quelles sont les techniques utilisées pour attirer votre attention et véhiculer le message?
  • Comment parvient-on à manipuler les images d’un produit média à l’aide de différentes techniques (par exemple : l’éclairage, le maquillage, l’angle de la caméra, les retouches d’une photo)?
  • Quel genre de silhouettes doit-on s’attendre à voir dans un produit média (par exemple : dans une annonce publicitaire, une télésérie, une vidéo de musique)?

« Les médias numériques sont en réseau » Posez les questions suivantes.

  • De quelle façon s’attend-on à ce que vous interagissiez avec ce message (lui accorder une mention « J’aime », le mettre dans vos favoris, le partager, etc.)?
  • Dans quelle mesure les interactions prévues ont pu influencer la façon dont le produit a été créé (p. ex. comment il a pu être positionné, choisi ou manipulé pour obtenir plus de mentions « J’aime »)?

« Les médias numériques sont partageables et continus » Posez les questions suivantes.

  • Comment le produit vous est-il parvenu? Était-ce parce que vous étiez ami avec le créateur, que vous suivez le créateur ou que quelqu’un l’a partagé avec vous, ou l’avez‑vous trouvé d’une autre façon?
  • Si vous avez créé le produit, comment l’avez-vous partagé? Dans quelle mesure cela a‑t-il influencé la façon dont vous l’avez créé?
  • Le produit était-il destiné à être partagé à grande échelle? Dans l’affirmative, qu’a fait le créateur pour encourager les autres à le partager? Dans la négative, qu’a fait le créateur pour tenter de limiter la capacité des gens de le partager ou de le copier?

« Les médias numériques ont des auditoires imprévus » Posez les questions suivantes.

  • Qui était le public cible de ce produit? Dans quelle mesure le public cible a-t-il influencé la façon dont le produit a été créé? (Par exemple, dans quelle mesure une photo que vous publiez pour que vos amis la voient sera-t-elle différente d’une autre qui est destinée à vos parents ou à un partenaire romantique?)
  • Dans quelle mesure le produit pourrait-il être interprété différemment s’il était vu par un public autre que celui qui était ciblé?
  • Étiez-vous le public ciblé pour ce produit? Dans l’affirmative, dans quelle mesure cela a‑t‑il influencé la façon dont vous y avez répondu? Dans la négative, de quelle façon le produit vous a-t-il rejoint?

« Les expériences avec les médias numériques sont façonnées par les outils que nous utilisons » Posez les questions suivantes.

  • Quels outils ont été utilisés pour créer et distribuer ce produit?
  • Quelles sont les possibilités des outils? En d’autres termes, qu’est-ce que l’outil vous permet de faire? (Par exemple, y a-t-il une limite quant au nombre de photos que vous pouvez publier sur votre compte en une fois? Dans quelle mesure avez-vous la liberté de modifier votre avatar dans un jeu en ligne? Offre-t-il des outils, comme des filtres, vous permettant de manipuler une photo?)
  • Quelles sont les lacunes des outils, c’est-à-dire les choses que l’outil vous laisse faire sans avoir à les choisir précisément? (Par exemple, les photos s’effacent par défaut sur Snapchat, mais sur Instagram, l’utilisateur doit choisir de le faire. Certains jeux en ligne vous permettent de choisir la morphologie de votre avatar, mais vous donnent une morphologie idéalisée par défaut.).

« Nos interactions dans les médias numériques peuvent avoir un réel impact sur les autres » Posez les questions suivantes.

  • Le produit a-t-il été créé par quelqu’un que vous connaissez hors ligne ou quelqu’un que vous ne connaissez pas (comme une vedette)? Dans quelle mesure cela change-t-il la façon dont vous vous sentez?
  • Comment vous sentez-vous lorsque vous créez et partagez des photos en ligne? Comment les choses que vous faites pour créer ou choisir les meilleures photos vous font-elles sentir?
  • Quelles sont les normes de vos communautés virtuelles quant à la façon dont les gens se représentent? (Par exemple, qu’est-ce qui rendra une photo plus susceptible d’être partagée? Quels types de photos attireront des commentaires négatifs? Voyez-vous souvent des avatars dont le corps ressemble au vôtre? Les gens réagiront-ils différemment si vous utilisez un avatar qui a une allure moins idéalisée?)

La classe est le lieu tout désigné pour offrir des cours d’éducation aux médias (voici le lien vers les ressources d’HabiloMédias traitant de l’image corporelle et de sujets afférents), mais cet apprentissage doit commencer à la maison. C’est bien connu, il est essentiel que les parents aient une attitude positive envers l’enfant et l’encouragent en notant ses qualités physiques et personnelles; de plus, les parents doivent lui servir de modèles en matière d’image corporelle et de bonne forme physique  [8]. À cet égard, une étude révèle que lorsque des collégiennes discutent de la taille de leurs seins avec leur mère, elles risquent moins d’avoir recours à la chirurgie esthétique pour obtenir une augmentation mammaire  [9].

Mais on connaît moins l’importance d’un autre rôle parental, celui de faire comprendre à l’enfant quels sont les messages véhiculés dans les médias sur l’apparence que nous « devrions » avoir. Lorsqu’un parent utilise les médias en compagnie de son enfant et l’encourage à s’interroger et à réfléchir sur ce qu’on y voit et entend, il transmet à son enfant de saines habitudes face aux médias. Le parent peut aussi lui enseigner à « répondre » aux médias en ayant recours aux jeux créatifs, à l’art et à l’écriture; ainsi, l’enfant peut réagir aux messages transmis par les médias en créant ses propres représentations médiatiques, qui seront cette fois fidèles à son image  [10].

 

 

[1] Matthews, H (2016). The Effect of Media Literacy Training on the Self- Esteem and Body-Satisfaction Among Fifth Grade Girls. Walden University.

[2] Levine, M (2016) Media Literacy as an effective and promising form of Eating Disorders prevention. Eating Disorders Resource Catalogue. Consulté sur le site : https://www.edcatalogue.com/media-literacy-as-an-effective-and-promising-form-of-eating-disorders-prevention/

[3] Chambre des communes (novembre 2014). Les troubles de l’alimentation chez les filles et les femmes au Canada, Comité permanent de la condition féminine.

[4] Kagie, M. (2018) Preventing Eating Disorders by Promoting Media Literacy and Rejecting Harmful Dieting Based Mentalities. The BYU Undergraduate journal of Psychology. 13(1) 64-80. [traduction]

[5] McLean et al. (2016) Does Media Literacy Mitigate Risk for Reduced Body Satisfaction Following Exposure to Thin-Ideal Media? Journal of Youth and Adolescence, 45 (8). 1678 - 1695.

[6] Hohn, T. (octobre 2015). Media Literacy and Body Image. Canadian Teacher. Consulté sur le site : https://canadianteachermagazine.com/2015/09/15/4193/ [traduction]

[7] Piran et al, « GO GIRLS! Media Literacy, Activism and Advocacy Project, « Healthy Weight Journal (novembre-décembre 2000) : 89-90.

[8] D’Arcy Lyness. « Encouraging a Healthy Body Image. » KidsHealth, mai 2009. http://kidshealth.org/parent/nutrition_center/weight_eating_problems/body_image.html#cat20743

[9] J. Robyn Goodman & Kim Walsh-Childers, « Sculpting the Female Breast: How College Women Negotiate the Media’s Ideal Breast Image » Journalism and Mass Communication Quarterly 81(3) automne 2004: 657.

[10] Levin, D. E., & Kilbourne, J. So sexy so soon: The new sexualized childhood, and what parents can do to protect their kids, 2008.