Cyberprédateurs

Du fait de son caractère spectaculaire, le sujet est régulièrement abordé dans les médias, contribuant à le faire apparaître comme une préoccupation de premier plan. La réalité est tout autre, cependant. La protection des enfants en ligne est un sujet grave, mais il est important de relativiser le problème et d’éviter la panique.

En 2019, 1 549 incidents de leurre d’enfants sur Internet ont été rapportés par la police sur tout le territoire canadien. Des poursuites ont été intentées dans 122 de ces cas, à la suite desquelles 89 individus ont été déclarés coupables. Sur ces 1 549 incidents, 242 ont été jugés non fondés, 651 personnes ont été innocentées et 326 personnes ont été inculpées (257 adultes et 69 jeunes). Bien que le nombre total de cas ait augmenté au cours des cinq dernières années, le nombre de personnes inculpées est resté assez stable[1].

Quelles stratégies les prédateurs sexuels emploient-ils?

Contrairement au mythe répandu sur les prédateurs sexuels, la recherche montre que ceux-ci mentent rarement sur leur âge ou leurs motifs, lorsqu’ils prennent contact avec un jeune en ligne[2]. En effet, les prédateurs sont très souvent honnêtes sur leur âge et ils manifestent beaucoup d’attention, d’affection et de gentillesse envers les jeunes, les amenant à croire qu’ils sont réellement amoureux[3]. Dans la majorité des cas, la victime connaît déjà son prédateur et celui-ci profite de la possibilité de communiquer en privé en ligne. Cette relation peut toutefois être avec quelqu’un qu’elle ne connaît pas dans le monde réel et se produire entièrement en ligne[4].

Une fois que le prédateur potentiel a établi une relation avec la victime, il peut essayer de l’« amadouer » de différentes manières[5]. Dans certains cas, il s’agira d’un processus graduel de construction d’un lien émotionnel et d’un semblant de relation amoureuse[6], tandis que d’autres introduiront rapidement des thèmes ou du contenu sexuels dans la conversation.[7] Dans les deux cas, le double objectif du prédateur est la désensibilisation — habituer la victime à des conversations ou à des images à caractère sexuel — et la redéfinition des relations amoureuses ou sexuelles entre adolescents et adultes comme étant normales plutôt que malsaines.[8] Au fur et à mesure que le processus se poursuit, le prédateur ira de plus en plus loin pour évaluer comment la victime est susceptible de réagir à une prédation plus poussée, cherchant à savoir si et dans quelles circonstances la victime est capable de le rencontrer ou de lui parler sans surveillance, et à s’assurer que la victime ne parle à personne de leur relation[9].

Une victime décrit son expérience comme telle : « j’ai téléchargé Skype sur mon téléphone pour que nous puissions nous envoyer des textos pendant la journée. Il me disait à quel point j’étais belle, et d’autres trucs, à quel point j’étais spéciale, pour me faire croire qu’on avait une relation spéciale et extraordinaire … puis il a abordé le sujet du sexe sur Skype, pour lui et avec lui. Je me souviens avoir été hésitante, mais ce qui m’a poussée à le faire a été le fait de me dire que ce garçon m’aimait bien et que je devais faire ça pour lui si je voulais qu’il continue à m’aimer ». [10]

Les objectifs ultimes des prédateurs varient également. Certains cherchent à avoir une relation sexuelle en personne, certains espèrent développer une relation sexuelle en ligne et d’autres essaient d’obtenir des images ou des vidéos à caractère sexuel pouvant être utilisées pour faire du chantage[11]. Il existe également un chevauchement entre ces catégories, et les prédateurs sont souvent opportunistes, adaptant leurs objectifs et leurs stratégies en fonction de ce qu’ils pensent chaque victime prête à faire[12].

 

 

[1] Statistique Canada. (2020). Statistiques des crimes fondés sur l'affaire, par infractions détaillées, Canada, provinces, territoires et régions métropolitaines de recensement, 2015-2019. Consulté sur le site https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/fr/tv.action?pid=3510017701&pickMembers%5B0%5D=1.1&pickMembers%5B1%5D=2.21&cubeTimeFrame.startYear=2015&cubeTimeFrame.endYear=2019&referencePeriods=20150101%2C20190101&request_locale=fr

[2]Finkelhor, D., Walsh, K., Jones, L., Mitchell, K., & Collier, A. (2020). Youth internet safety education: aligning programs with the evidence base. Trauma, Violence, & Abuse, 1524838020916257.

[3] Kloess, J. A., Beech, A. R., & Harkins, L. (2014). Online child sexual exploitation: Prevalence, process, and offender characteristics. Trauma, Violence, & Abuse, 15(2), 126-139.

[4] Finkelhor, D., Walsh, K., Jones, L., Mitchell, K., & Collier, A. (2020). Youth internet safety education: aligning programs with the evidence base. Trauma, Violence, & Abuse, 1524838020916257.

[5] Kloess, J. A., Seymour-Smith, S., Hamilton-Giachritsis, C. E., Long, M. L., Shipley, D., & Beech, A. R. (2017). A qualitative analysis of offenders’ modus operandi in sexually exploitative interactions with children online. Sexual Abuse, 29(6), 563-591.

[6] Gámez-Guadix, M., Almendros, C., Calvete, E., & De Santisteban, P. (2018). Persuasion strategies and sexual solicitations and interactions in online sexual grooming of adolescents: Modeling direct and indirect pathways. Journal of Adolescence, 63, 11-18.

[7] Kloess, J. A., Beech, A. R., & Harkins, L. (2014). Online child sexual exploitation: Prevalence, process, and offender characteristics. Trauma, Violence, & Abuse, 15(2), 126-139.

[8] Dus, N., Izura, C. & Perez-Tattam, R. (2016). Understanding Grooming Discourse in Computer Mediated

Environments. Discourse, Context & Media

[9] Chiang, E., & Grant, T. (2017). Online grooming: moves and strategies. Language and Law, 4(1), 103-141.

[10] Pauls, K., & MacIntosh C. (2020).  « Woman who spent years scrubbing explicit video from internet urges tech firms to make it easier to remove. » CBC News. Consulté sur le site https://www.cbc.ca/news/canada/manitoba/canada-internet-children-abuse-pornography-1.5822042 

[11] DeHart, D., Dwyer, G., Seto, M. C., Moran, R., Letourneau, E., & Schwarz-Watts, D. (2017). Internet sexual solicitation of children: a proposed typology of offenders based on their chats, e-mails, and social network posts. Journal of Sexual Aggression, 23(1), 77-89.

[12] Kloess, J. A., Seymour-Smith, S., Hamilton-Giachritsis, C. E., Long, M. L., Shipley, D., & Beech, A. R. (2017). A qualitative analysis of offenders’ modus operandi in sexually exploitative interactions with children online. Sexual Abuse, 29(6), 563-591.