Représentation de la religion dans les médias - L'islam

La couverture médiatique des questions relatives à l’islam a changé considérablement depuis le début du nouveau millénaire, et ce, tant en quantité qu’en qualité. Les événements du 11 septembre 2001 ont propulsé la religion musulmane à l’avant-scène mondiale : la couverture de l’islam a radicalement changé, surtout dans les médias d’information et de divertissement, mais la façon d’en parler également.

La « guerre au terrorisme » menée par les Américains a entraîné une hausse de l’islamophobie (peur ou haine de l’islam) à l’échelle planétaire. Cette hausse s’est à son tour reflétée dans la façon dont les organes de presse ont abordé et stéréotypé les populations musulmanes. Pendant que certains traitaient délibérément de l’islam d’une manière positive pour tenter de contrer l’islamophobie, nombre de représentations des musulmans ont contribué à la formation de stéréotypes islamiques nuisibles véhiculés par les médias [1].

L’insurgé musulman radical, résolu à mener une guerre sainte (jihad) contre l’Occident, constitue le stéréotype le plus répandu sur l’islam, lequel dépeint habituellement le musulman comme un être naturellement violent, qui utilise la religion pour justifier ses actes violents.

Le personnage de Sayid Jarrah dans la série télévisée Perdus (Lost) diffusée par ABC en est un exemple. Seul islamiste parmi les personnages principaux, Jarrah avait travaillé pour la Garde républicaine irakienne, utilisant fréquemment la torture pour soutirer des informations aux prisonniers. On s’assure de montrer qu’il est maintenant membre d’une escouade antiterroriste (et qu’il n’est donc pas un terroriste lui-même), mais les gestes qu’il pose sont sans cesse dépeints comme violents par nature. Jarrah emploie notamment des techniques de torture pour interroger ses compagnons naufragés en temps de conflit. Ces thèmes sur la violence reviennent de façon récurrente au cours des six saisons de la série, et les expériences passées de Sayid Jarrah sont souvent abordées lorsqu’il doit faire un choix entre violence ou non. La télésérie française, L’infiltré, traite le sujet du conflit israelo-paléstinien en associant l’Islam, le barbarisme, la violence, et les Palestiniens. La couverture médiatique canadienne du cas des 18 terroristes de Toronto est un autre exemple du stéréotype du « musulman radical ». Après l’arrestation de 18 hommes en lien avec de présumées activités terroristes, les reportages ont tous recouru aux mêmes thèmes : le terrorisme constituait une menace réelle, on convertissait de jeunes Canadiens en islamistes radicaux par le biais de mosquées et d’Internet, la police canadienne venait d’éviter de justesse une attaque terroriste meurtrière [2].

La façon de représenter les femmes musulmanes dans les médias est un autre stéréotype sur l’islam. Les femmes musulmanes occidentales sont souvent dépeintes soit comme des victimes passives du pouvoir que les hommes exercent sur elles, soit comme des féministes courageuses qui s’opposent à ce pouvoir malgré une situation désavantageuse. Les récentes polémiques concernant le voile intégrale et sa place dans l’espace publique québécoise nous démontre comment les médias critiquent parfois l’islam parce qu’il marginalise les femmes et accorde un pouvoir disproportionné aux hommes [3]. Plusieurs enquêtes et reportages argumentent qu’accepter l’islam est associé au renoncement de l’égalité par les femmes, et leurs droits sont représentés comme incompatibles avec la liberté de religion [4]. Par conséquent, les mots les plus souvent utilisés par les journalistes et les politiciens pour parler des femmes musulmanes sont « isolées », « battues », « insultes », « voile », « religion », « haine », « droits de la personne » et « extrémisme » [5]. Dans des séries dramatiques ou téléfilms comme Les experts ou Esprits criminels (Criminal Minds), les musulmanes sont presque toujours des victimes de violence conjugale ; par ailleurs, dans des séries ou des films policiers, leurs apparitions sont souvent brèves, laissant ainsi la place à un homme qui se dit « le responsable » [6].

À vrai dire, bien que certaines femmes musulmanes choisissent de se conformer aux traditions patriarcales, de nombreuses autres sont totalement autonomes et appliquent ces enseignements de façon ponctuelle. Le stéréotype marginalisant les musulmanes ne considère pas la diversité de leurs expériences et applique les idéaux occidentaux en matière de pouvoir et d’égalité des sexes à une religion non occidentale.

Il existe pourtant des représentations sensées de l’islam. Celle que l’on fait d’une communauté musulmane de la Saskatchewan dans La petite mosquée dans la prairie a été saluée par la critique et a contribué à chasser certains stéréotypes courants auxquels la communauté islamique fait face. L’islam est aussi dépeint positivement grâce au personnage de Dust dans la série X-Men, une musulmane inébranlable qui pratique sa religion tout en se battant au côté de ses compagnons d’armes.

La façon dont l’islam est représenté dans les médias ayant changé radicalement au cours de la dernière décennie, il est essentiel de comprendre comment ces représentations ont façonné l’opinion publique. Alors que seulement une minorité d’enfants nourrissent des idées préconçues ou racistes envers l’islam, la majorité d’entre eux perçoivent les musulmans comme des « étrangers », alimentant ainsi la notion que l’islam est une menace pour la culture occidentale et que les musulmans sont différents de ce que les membres de la société occidentale « devraient » être [7].

 


[1] Gudel, J. (2002). A Post 9/11 Look at Islam. Christian Research Institute. Accéder : 4 février 2011. http://www.equip.org/articles/a-post-9-11-look-at-islam
[2] Miller, J., & Sack, C. (2010). Terrorism and Anonymous Sources: the Toronto 18 Case. Canadian Journal of Media Studies , 8, 1-24.
[3] Furseth, Inger. (2010). Power and migrant Muslim women. International Sociological Association. Gothenburg, Sweden.
[4] Huth, C. (2010). Keeping the faith: An exploratory analysis of faith-based arbitration in Ontario. Masters Abstracts International, 48(1), 1-120.
[5] Conte, D. (2009, September 23). Women: Strained stereotypes - Daniela Conte | Reset Dialogues on Civilizations. Reset Doc: Dialogues on Civilizations. Accéder : 9 février 2011. http://www.resetdoc.org/story/00000001456
[6] Elghobashy, S. (2009, January 12). Muslim Stereotypes in Hollywood: Are they really fading? . elan: The Guide to Global Muslim Culture. Accéder : 9 février 2011. http://www.elanthemag.com/index.php/site/blog_detail/muslim_
stereotypes_in_hollywood_are_they_really_fading-nid503043165/
[7] Revell, L. (2010). Religious education, conflict and diversity: an exploration of young people's perceptions of Islam. Educational Studies, 36(2), 207-215.